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aux chrétiens par les Pères de l’église latine et de l’église grecque, au IVe et au Ve siècle. Saint Chrysostome y revient dans plus d’un passage éloquent de ses homélies. Il oppose à ce faste la nudité du Christ dans le tombeau. De nombreux textes d’Origène, d’Eusèbe, de Prudence, font allusion à l’usage persistant de parer les morts avec une somptuosité peu conforme à l’esprit du christianisme. La coutume d’oindre et d’embaumer les corps dans la myrrhe et d’autres préparations odoriférantes se prolonge, peut-être même à l’ombre du dogme de la résurrection. La découverte du cimetière de Calliste à Rome par M. de Rossi est venue confirmer récemment cette persistance du luxe funéraire chez les chrétiens du IIe siècle. Il suffirait, pour en trouver les preuves décisives, de se reporter à l’ample et précise description qui en a été faite ici même[1]. La magnificence des décorations qui couvraient fréquemment les murs de la chambre sépulcrale, la richesse des peintures et des revêtemens de marbre, les débris de sculpture, de chapiteaux, de fûts de colonnes, de pilastres brisés, attestent la part faite au luxe dans ces sépultures, dont plusieurs furent celles de pontifes, et un plus grand nombre celles d’évêques et de martyrs célèbres. Dans cette ornementation, la peinture est chrétienne le plus souvent, tandis que la sculpture reste fidèle aux symboles mythologiques. La raison en est que, pour la peinture, l’artiste chrétien travaillait à des fresques souterraines loin des regards profanes : les ornemens extérieurs de la sculpture ne laissaient pas la même liberté. Une exhibition trop claire des croyances chrétiennes en eût exposé les emblèmes aux violences des païens. On achetait tout faits les ornemens de marbre qui reproduisaient des types de convention, qu’on se bornait à choisir aussi peu païens que possible. Comme élément de richesse, il faut aussi compter dans les tombes chrétiennes les dons des fidèles, les ornemens qu’y déposait la piété. C’est ainsi que les catacombes elles-mêmes se trouvèrent avoir une part notable de luxe funéraire.

Les peuples barbares n’opposèrent pas moins de résistance que la société élégante et riche au rapide changement des habitudes funéraires. Ils étaient pour la plupart loin de justifier ce que Tacite dit des Germains : « Ces pompeux monumens que l’orgueil élève à grands frais leur sembleraient peser sur la cendre des morts. » Lorsque Théodoric vint à mourir, à 200 lieues de son royaume, ses funérailles furent célébrées par l’armée des Visigoths avec une pompe imposante, quoique sauvage. Celles d’Attila, qui succombait à une mort mystérieuse le lendemain de la cérémonie de ses noces, revêtirent surtout un magnifique appareil. On y vit, selon l’antique

  1. Voyez la Revue du 1er mars 1869.