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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/638

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hasards de luttes continuelles avec la nature sauvage. On peut s’en rapporter à eux du soin de combattre pour la conservation de leur indépendance. D’autres colonies, comme la Nouvelle-Zélande, ont reçu pendant une guerre difficile contre des tribus belliqueuses et féroces le secours de régimens de la Grande-Bretagne, mais à la condition de les solder et de les entretenir. Le gouvernement britannique ne leur a pas fait cette concession sans hésiter, et plusieurs fois il a été question de la retirer au moment même où la situation des colons était tout à fait compromise et où l’on pouvait craindre un renouvellement, à l’autre extrémité du monde, des massacres de Delhi et de Cawnpore. Quel était le motif allégué par les ministres de la reine pour justifier cette rigueur? Ils disaient que la guerre avec les indigènes avait été entreprise sans leur assentiment préalable, et qu’il n’était pas juste que la responsabilité et les conséquences de cette lutte s’étendissent à tout l’empire. Les contribuables en Angleterre ne devaient pas être tenus de faire les frais de la mauvaise politique qui avait entraîné les colons dans cet embarras et dans ce danger.

Les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion ne sont point exposées à un péril semblable, et notre avis est qu’elles ne doivent pas manquer, en cas de danger venant soit de l’intérieur, soit de l’extérieur, de l’aide de la métropole; mais leur avis à elles est-il de supporter comme certaines colonies d’Angleterre les dépenses de leurs garnisons? Tant qu’elles ont été exploitées dans l’intérêt exclusif de la mère-patrie, celle-ci avait l’obligation de les exonérer de toute charge de ce genre. Aujourd’hui ces îles sont émancipées sous tous les rapports : politiques, commerciaux et sociaux. La métropole n’exige plus rien d’elles; elle ne leur doit plus rien. Elles ont demandé à s’affranchir, elles sont affranchies ; elles ne sont point soumises à la dure loi de la conscription, elles n’ont rien à faire avec notre service militaire actif, avec notre réserve, même avec notre armée territoriale. Leur milice, peu nombreuse, est insuffisante et hors d’état de repousser une agression sérieuse : les faits précédens l’ont démontré. Quant à leur participation aux charges de la métropole, elle est nulle. On dit, il est vrai, que leurs denrées figurent dans la recette des douanes pour une somme considérable; mais ces droits sont-ils à la charge des producteurs ou plutôt à celle des consommateurs? Là-dessus, grande discussion! Les producteurs, dit-on, supportent toujours au moins une partie des droits qu’ils essaient incomplètement de recouvrer sur les consommateurs. Peu importe, car le jour où nos colonies cesseraient de nous fournir du sucre, le déficit serait comblé par la production étrangère, et le trésor n’y perdrait rien;