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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/640

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les opinions politiques ou les droits du patriotisme à l’exposé d’idées purement économiques et financières. Tout le monde est l’ami des colonies, et tout le monde s’accorde à reconnaître qu’on y est courageux et patriote; mais il n’est pas de bon goût de jeter sans cesse cette vérité à la tête de tous ceux qui se permettent d’examiner la situation commerciale, industrielle ou même politique de ces îles et d’en faire ressortir les inconvéniens, les faiblesses, les avantages ou les privilèges. C’est une tyrannie comme une autre qui tendrait à interdire toute contradiction, en déclarant ennemi des colonies quiconque s’expose à contrarier leurs intérêts bien ou mal entendus.

Pour terminer, disons bien nettement que les dépenses coloniales sont, dans notre humble opinion, mal classées au budget de la marine, qu’il faut les diminuer et les déplacer pour rendre aux administrateurs de notre établissement maritime et aux officiers-généraux qui le dirigent la pleine possession de leurs ressources et la pleine liberté de leurs mouvemens. Ne nous berçons pas, dans un calme plus ou moins précaire, d’idées de grandeur et d’expansion qui, hélas! ne sont pas de saison. Disons-nous que, dans la situation où les circonstances ont placé notre flotte, il serait très possible que, si nous étions attaqués, il n’y eût rien de mieux à faire que de la concentrer autour de nous pour couvrir nos frontières maritimes et empêcher les débarquemens. Que deviendraient alors les petites compétitions, les petits calculs d’intérêts individuels et les préférences politiques? Ils seraient noyés dans les nécessités de la défense générale, et Dieu sait si les colonies ne seraient pas fatalement laissées, au moins par intervalles, à leurs propres forces, comme cela est arrivé au commencement de ce siècle. Voilà la situation qu’il ne faut pas perdre de vue, et voilà pourquoi rien ne doit subsister qui puisse entraver le renouvellement et, au jour du danger, la liberté des mouvemens de notre marine.


PAUL MERRUAU.