Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/680

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le pâturage et le soutrage. Le premier permet d’entretenir un peu de bétail, le second n’est autre chose que la récolte des arbustes croissant en sous-bois et des feuilles mortes gisant sur le sol; il procure des litières et de l’engrais. Ces produits ont une utilité variable, mais toujours secondaire, et dans une administration bien entendue il convient de les subordonner à la production ligneuse.

Le mélèze est le meilleur bois des hautes régions. Parmi les résineux, il se distingue par la force, comme le chêne parmi les feuillus; il résiste comme lui à la rupture, à la pression, aux chocs et aux actions mécaniques en général. Le mélèze des Alpes a une densité de 0,65, supérieure à la densité ordinaire des pins. Imprégné d’une résine abondante, il est en quelque sorte inaltérable ; il dure en effet des siècles, soit à l’abri dans les constructions, soit même au soleil et à la pluie. Quand on a démoli auprès de Briançon l’ancien fort des Salettes, qui était construit depuis cent dix ans, on en a trouvé les bois aussi bien conservés et aussi beaux que lors de la mise en œuvre. Certains chalets portent sur des poutrelles des millésimes qui les font remonter à huit ou neuf cents ans. On a retiré de la Mer du Nord, sur les côtes de la Russie septentrionale, un navire construit en mélèze, submergé depuis plus de mille ans et qui avait conservé du bois sain, résistant aux meilleurs outils. Enfin, en certains cantons élevés où la forêt n’existe plus depuis un temps immémorial, on trouve encore des souches, des troncs de mélèze en bon bois, voire même quelquefois un fut desséché, qui reste isolé, solide sur ses fortes racines et bravant la tourmente. Les mélèzes qui durent ainsi se sont développés lentement. Dans les cantons les plus reculés on en rencontre des sujets âgés de cinq siècles; mais ils disparaissent d’année en année. Cultivé à de basses altitudes, cet arbre croît vite, dépérit à un âge peu avancé et ne donne qu’un bois de qualité relativement faible; cependant, en raison de la rapidité de la croissance sous un climat tempéré, on peut avoir intérêt à le planter dans les sols frais des régions moyennes.

Le bois du mélèze des Alpes est d’une belle couleur rouge. Sous une écorce extrêmement épaisse il n’a qu’un aubier mince, réduit quelquefois à un seul centimètre d’épaisseur : c’est là une grande supériorité du mélèze sur le pin ; mais le bois n’en est pas flexible comme celui des pins, il conviendrait peu dès lors à la mâture, exposé qu’il serait à se rompre. C’est avant tout un excellent bois de charpente; il fait aussi de beaux et bons sciages. Il est des plus aptes à la construction des wagons de chemins de fer dont il peut former toutes les parties droites, tandis que le noyer des vallées, aussi malléable que le mélèze est rigide, forme les parties cintrées. Dans les usines et les travaux hydrauliques, le mélèze est un des meilleurs bois à employer. Il a souvent beaucoup de petits