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C’est ainsi que se rétablissent les forêts dans les contrées dépeuplées par la guerre, comme il arriva il y a trois siècles dans les confins militaires de l’Autriche, après les guerres des Turcs. Au contraire, un bois mal gardé et constamment fréquenté s’appauvrit avec les années; le terrain en est battu, les jeunes plants font défaut, les arbres subissent des altérations de tout genre, et bientôt, les forces naturelles réparatrices s’affaiblissant, la dégradation devient progressive. La pire destinée des forêts, c’est de passer à l’état de places publiques ou pour l’homme ou pour les animaux qu’il entretient, et le mal est rapide surtout dans les bois résineux, car ils ne se reproduisent point par rejets de souches.

Le traitement des forêts de pins ou de mélèze est tout autre que celui des sapinières. Il doit consister principalement dans des éclaircies, nécessaires au développement des arbres, donnant par elles-mêmes des produits considérables, procurant d’autre part divers résultats précieux. Ces essences se trouvent mal de l’état de massif serré ; à hauteur égale, des pins aux cimes pressées dépérissent dès le jeune âge, dès qu’ils ont une force acquise assez grande pour qu’entre eux la lutte se prolonge. Les pins sont des arbres de lumière, et à ce point de vue on peut même les ranger dans l’ordre indiqué par la légèreté relative du couvert qu’ils donnent au sol, en commençant par le pin d’Alep, le plus avide des rayons du soleil, puis par le maritime à la cime échevelée, en finissant par le pin de montagne et le cembro. On ne voit pas les sujets de ces essences former, comme les sapins, des massifs étages; les pins dominés dépérissent ou s’étiolent complètement.

L’étude du pin sylvestre, qui a des exigences moyennes, permet de se rendre compte des faits. Dans les massifs créés par la nature, formés de tiges d’âges différens et jetées au hasard sur le terrain, les pins sylvestres d’avenir apparaissent dès les premières années; ils dépassent les voisins, se garnissent de branches et prennent un gros pied. Ce n’est que quand ces belles tiges, élargissant leurs cimes, forment massif entre elles, que l’éclaircie devient vraiment utile; mais alors ce sont déjà de vraies perches, d’une trentaine d’années. Les sujets dominés ont joué leur rôle, qui était d’accélérer l’élagage naturel et de couvrir le sol : on peut disposer du bois qu’ils ont produit; il faut en outre desserrer les cimes qui se gênent à l’étage supérieur, et c’est là l’essentiel. De trente à quarante ans l’éclaircie sera répétée trois fois, par exemple tous les cinq ans; de la sorte on pourra chaque fois desserrer fortement, mais partiellement, les sujets d’élite en maintenant toujours l’état de massif nécessaire. Dans les forêts de plaine il n’est pas rare que ces premières éclaircies donnent en somme 50 à 60 mètres cubes de bois par hectare, produits divers dont la valeur peut s’élever