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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/717

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REVUE. — CHRONIQUE.

est pour le mieux! En toute franchise, ne vaudrait-il pas mieux avouer simplement que les lois qu’on a combattues ont leur mérite, qu’elles sont peut-être nécessaires, et qu’en cela, comme en tout, comme dans les affaires de l’administration et de l’armée, la république n’a qu’une manière de vivre, c’est de se conformer aux nécessités, aux conditions invariables de gouvernement?

Par quelle fatalité du temps ne parle-t-on que de chances de conflits et de réorganisations militaires et de mobilisations, lorsque l’ombre des années 1870-1871 se projette encore sur l’Europe, lorsque les historiens n’ont pas même achevé de retracer ces événemens sanglans d’hier? On racontait tout récemment que le chef de la section historique de l’état-major prussien venait de présenter à l’empereur Guillaume, qui célèbre en ce moment sa quatre-vingtième année, la douzième livraison du compte-rendu officiel de la dernière guerre. Le chapitre nouveau expose le dénoûment des tristes affaires de Metz et le commencement de la résistance française en province, pendant que Paris, cerné de toutes parts, excité plutôt que fatigué par six semaines de siège, défiant toute une armée, soutient son duel qui durera trois mois encore. C’est un document de premier ordre par l’exactitude et la sévérité dans l’histoire de ces luttes sanglantes et compliquées, de cette invasion meurtrière. Ce que l’état-major allemand poursuit à Berlin, le général Ducrot le continue de son côté et pour sa part dans le travail qu’il publie sous le titre de la Défense de Paris. La défense de Paris! ce seul mot réveillera longtemps encore assurément des souvenirs douloureux ; il évoque tout un passé où la politique se mêle à la guerre. Laissons la politique pour ce qu’elle vaut, avec ses faiblesses, ses illusions, ses fautes peut-être inévitables et livrées à toutes les contradictions. L’intérêt vrai du livre de M. le général Ducrot est dans les faits militaires, dans l’exposé de cette défense où l’ancien chef de la deuxième armée de Paris s’est si souvent prodigué, qu’il raconte aujourd’hui avec l’exactitude de l’homme de guerre, avec la généreuse ardeur du chef qui a été toujours au premier rang dans le combat.

Le vaillant auteur de la Défense de Paris en est à son troisième volume, et il n’a pas fini. La partie qu’il livre maintenant au public s’ouvre par cette journée du 2 décembre 1870, la bataille de Champigny, qui n’est que la suite de cette autre journée du 30 novembre, la bataille de Villiers, et qui est comme le point culminant du siège éclairé de l’incertaine lueur d’un succès sans lendemain. Après ce double effort d’héroïsme qui sauve la dignité des armes, il ne reste plus en effet qu’à descendre de degré en degré, à travers les douloureuses étapes du Bourget, de Buzenval, du bombardement et de la faim jusqu’à l’heure suprême de la capitulation désespérée; mais, quand cette heure fatale sonne, la lutte a duré cinq mois, et l’honneur de la défense militaire est dans le nombre des victimes pour les seules journées de la Marne,