Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/718

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
712
RVUE DES DEUX MONDES.

dans quelques-uns de ces chiffres que M. le général Ducrot peut citer avec fierté comme un témoignage de la conduite de ses régimens. Le 4e de zouaves près de 600 hommes hors de combat en quelques instans, le 42e de ligne 37 officiers et plus de 600 hommes, le 122e 23 officiers et plus de 500 hommes, les mobiles d’Ille-et-Vilaine 25 officiers et près de 500 hommes. Un seul corps d’armée compte pour 5,029 hommes en deux jours. Voilà un des bulletins de cette défense de Paris que M. le général Ducrot raconte en homme qui a le sentiment d’avoir fait, avec ses compagnons d’armes, tout ce que pouvait le courage pour l’honneur de la grande ville transformée en citadelle de l’indépendance française.

Des pertes, des pertes, c’est toujours le dernier mot dans cette funeste campagne, et si aux victimes humaines, aux colossales indemnités réclamées par le vainqueur, il manquait un supplément, qui n’a, il est vrai, rien d’imprévu, mais qui n’est pas moins significatif, M. le ministre de l’intérieur vient de le fournir en publiant un état de ces autres pertes essuyées par les départemens pour amendes, contributions, ravages de la guerre, réquisitions. C’est un modeste total de 886 millions! Le gouvernement se propose encore de mettre à jour la statistique de toutes les dépenses faites pour les gardes nationales mobilisées, pour les achats d’armes, pour les corps francs, etc. Quand aura-t-on fini le terrible compte de la guerre? On devrait l’avoir sans cesse sous les yeux, et si tous les matins on se donnait la peine de relire ce douloureux, cet éloquent bulletin des forces perdues, on serait peut-être guéri pour longtemps de troubler la France dans son recueillement et dans son travail par des politiques de fantaisie ou d’agitation.


CH. DE MAZADE.



UNE COMEDIE DE MŒURS EN CALIFORNIE.
Two Men of Sandy Bar. A drama by Bret Harte, 1877. Tauchnitz.


Dans les charmans croquis où Bret Harte nous a retracé, d’une plume sobre et légère, des épisodes de la rude existence du mineur californien, le romancier a créé successivement une série de types d’une extraordinaire vitalité, qui maintenant reviennent sans cesse, ouvertement ou déguisés, dans la plupart de ses récits. Ce sont des marionnettes qui portent chacune un nom propre et sont l’incarnation d’un caractère, comme les masques de la comédie italienne, Scaramouche et Pulcinella, Spavento, Cassandrino et les autres; mais tous ces types appartiennent à un monde à part, ce sont des produits spéciaux de ce milieu étrange qu’on appelle les camps des chercheurs d’or, — mauvais lieux transformés en bourgades, villes-tripots, pandémoniums où l’âpre et brutale concurrence que se font de grossiers aventuriers menace la civilisation de fréquens retours à la barbarie.

C’est d’abord le joueur Oakhurst, héros déclassé aux sentimens chevaleresques, très capable à l’occasion de racheter ses fautes par un sacrifice