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à l’enseignement des enfans. Elles y acquièrent une très grande habileté. J’ai vu une jeune sœur qui est à la tête de l’imprimerie décomposer un placard et rejeter les lettres une à une dans leur casier respectif avec autant de précision et presque autant de rapidité qu’un compositeur ordinaire. Les procédés d’instruction pour l’écriture, la lecture, le calcul sont les mêmes que ceux employés à l’instruction des jeunes aveugles. On y pousse cependant moins loin l’étude de la musique, et on applique de préférence les enfans à des travaux de confection et de couture dont la vente sert à couvrir les frais de la maison. D’ailleurs les deux institutions ne préparent pas les enfans au même avenir. L’institution des Jeunes-Aveugles rend ses élèves à la vie commune une fois leur instruction terminée, et doit les mettre en mesure d’y faire leur chemin. La maison des sœurs de Saint-Paul offre au contraire aux enfans qu’elle reçoit un asile permanent où il en est bien peu qui ne restent pas, les unes parce que leur famille ne se soucie guère de les reprendre, les autres parce qu’elles préfèrent à une existence même passée dans l’aisance la sécurité d’une demeure familière où elles se sentent davantage chez elles. Aussi l’aspect de la maison des sœurs de Saint-Paul a-t-il quelque chose de moins scolaire et de plus maternel que celui de l’institution des Jeunes-Aveugles. Il est touchant de voir des petites bambines de cinq ans, qui, prévenues de l’entrée de la supérieure dans leur salle de classe par le moindre son de sa voix, l’arrêtent au passage qui par le pan de sa robe, qui par son chapelet, et se hissent sur leurs bancs pour se jeter à son cou. On sent qu’on n’est pas dans un pensionnat, mais dans une famille. Cette famille se compose de plus de 50 enfants. Pour les unes, ce sont leurs parens qui paient, au moins au début, une pension qui est fixée à 400 francs ; pour d’autres, ce sont des personnes charitables ; d’autres enfin sont admises gratuitement. Le nombre de celles-ci a naturellement un peu diminué depuis que le conseil municipal a supprimé la subvention de 1,900 francs que la maison touchait depuis sa fondation. Ce n’est là au reste qu’une petite tribulation comparée à celles dont la maison a eu à souffrir pendant la commune. Les sœurs ont été chassées de la maison et le fondateur de l’œuvre, le vénérable abbé Juge, emprisonné au dépôt de la préfecture de police, où il a été quelque temps le compagnon de captivité de l’archevêque de Paris, n’a dû qu’à l’arrivée de l’armée de Versailles de ne pas partager son sort. Pour compléter ce qui concerne l’assistance des enfans aveugles, ajoutons qu’une société de patronage s’occupe de les aider à trouver une place à leur sortie de l’institution nationale, et que les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul reçoivent dans leur maison de la Providence