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encore découvert; elle longeait la basilique de Paul-Émile, située en face de celle de César, et qui soutenait la comparaison avec elle, puis le palais de la Curie, où s’assemblait le sénat. Après avoir passé sous l’arc de Sévère, elle tournait à gauche et, près du temple de Saturne, s’engageait dans la montée du Capitole; de là elle arrivait par une rampe rapide au fameux temple de Jupiter Capitolin, dont on vient de retrouver les fondations sous le palais Caffarelli.


IV.

Les problèmes topographiques ne sont pas les seuls que soulève l’étude du Forum. Quand on sait où placer les édifices qu’il devait contenir et quel nom donner aux débris de monumens qui restent, tout n’est pas fini : d’autres questions se posent qui ne sont guère plus faciles à résoudre. On se demande surtout, en lui voyant si peu de profondeur et d’étendue, comment il pouvait suffire à tous les usages auxquels il servait. On voit bien, à ce que nous disent les auteurs anciens, que c’était le lieu le plus fréquenté de Rome. Les oisifs, qui sont toujours si nombreux dans les grandes villes, s’y donnaient rendez-vous : Horace raconte qu’il avait coutume de s’y promener tous les soirs. La curiosité y trouvait amplement de quoi se satisfaire; sans parler des charlatans de toute sorte qui n’y manquaient pas, on y faisait quelquefois de véritables expositions de peinture; les chefs-d’œuvre de la Grèce, après sa défaite, y étaient souvent exposés sous les portiques ou dans les temples, et les amateurs se pressaient pour les y aller voir. Les généraux victorieux imaginèrent quelquefois, pour relever l’effet de leurs victoires, de faire peindre par des artistes habiles les batailles auxquelles ils avaient assisté et de les exhiber sur le Forum. L’un d’eux, le préteur Mancinus, poussa même la complaisance jusqu’à se tenir à côté du tableau qui représentait ses hauts faits pour donner des explications à ceux qui en auraient besoin. Cette politesse charma le peuple, qui le nomma consul l’année suivante. Au pied de la tribune se réunissaient les nouvellistes et les politiques; ils formaient des groupes animés qui discutaient avec passion, ils répandaient des bruits effrayans, ils faisaient des projets de lois et des plans de campagne, ils n’épargnaient ni les hommes d’état qui n’avaient pas le bonheur d’être populaires, ni les généraux quand ils ne remportaient pas la victoire du premier coup. Un peu plus bas, au-dessous de la Curie et près de la basilique émilienne, se tenait la bourse. Les banquiers avaient leurs boutiques autour de certains passages voûtés qu’on appelait des Janus; on les voyait derrière leurs tables occupés à inscrire sur leurs livres de compte l’argent qu’on venait