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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/863

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disparu, entraînée derrière le goum poursuivi, qui, lui, connaît le guadal, et, loin de le redouter, sait s’en servir pour échapper à son ennemi. Son cheval est dressé à ce dangereux exercice; il sait ne pas enfoncer, s’il tombe se relever, et par un effort vigoureux s’éloigner au milieu du bourbier, sans crainte d’être atteint. Que le guadal soit de sable, de boue liquide, de glaise humide ou sèche, l’Indien en connaît les secrets, s’y jette et le traverse le plus souvent ; s’il y meurt, il a du moins évité de mourir sous le sabre d’un chrétien.

La partie de la pampa au sud du 37e degré de latitude sud constitue une région différente, sorte de plateau plus élevé, distinct de l’autre, de la pampa basse; là commence une série de collines non interrompues qui viennent aboutir au Rio-Negro, où prend naissance la région patagonienne. Dans cette région intermédiaire, le pays se modifie; on y rencontre quelques arbres, le saule rouge, humholdtiana, des pommiers et des plaines entières de fraisiers couverts au printemps de fruits rouges qui produisent l’effet le plus bizarre sur la robe des chevaux blancs qui se roulent dans ce singulier pâturage.

Le climat de toute la région pampéenne est soumis à des influences spéciales qu’on ne retrouve pas dans les pays situés sous la même latitude dans l’hémisphère boréal. Il faut en effet remarquer que Buenos-Ayres est située par 35 degrés de latitude australe, et le détroit de Magellan par 54 degrés; que l’espace compris entre ces deux points correspondrait dans l’autre hémisphère aux pays qui s’étendent entre le détroit de Gibraltar et le Danemark : or, en Norvège, contrée plus rapprochée du pôle que ce dernier pays, la température s’élève jusqu’à 14 degrés centigrades, et celle du détroit de Magellan ne dépasse pas 10 degrés en été, bien que ce dernier point soit beaucoup plus éloigné du pôle sud que le précédent du pôle nord. Ce climat pourrait paraître inhabitable, et cependant, par une anomalie étrange; même plus au sud, par 55 degrés, les arbres sont toujours verts et croissent parfaitement, et l’on voit les oiseaux-mouches et les perroquets voltiger et trouver à se nourrir. Par contre, si l’on remonte le Pacifique, on note des phénomènes contraires et une température plus basse à mesure que l’on s’éloigne du pôle. A Valdivia, par 40 degrés, ce qui correspond à la latitude de Madrid, non-seulement les olives et les oranges ne mûrissent pas, mais même, à cause de l’humidité, le blé et l’orge n’arrivent pas sur pied à maturité, pendant qu’en Patagonie, sur les bords du Rio-Negro, par la même latitude, on cultive avec succès la patate, la vigne, le figuier et l’oranger; ici on ne trouve, il est vrai, aucune végétation arborescente naturelle, pendant que des forêts, rivalisant avec celles des tropiques, couvrent les côtes du Pacifique du