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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/874

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qui, venant frapper le squelette sans pouvoir le déplacer, poussaient seulement devant eux les extrémités plus légères. La nature de la couche de sable qui enveloppe chacune de ces parties vient confirmer la présomption de l’existence de nombreux courans d’eau. La couche de sable en effet qui entoure toujours le tronc et les gros ossemens corrobore l’hypothèse que le cadavre en tombant faisait son creux; survenait une crue d’eau, le courant formé rencontrait cet obstacle et bouillonnait autour, laissant tomber là même les cailloux plus ou moins gros qu’il transportait et qu’il n’avait plus la force de charrier plus loin : l’argile fine, plus légère, suivait au contraire le fil de l’eau et se déposait plus loin autour des extrémités du cadavre, dont l’eau bouillonnante s’emparait et qu’elle emportait après la décomposition des attaches. Enfin c’est surtout la présence de cailloux de gros calibre et par couches qui prouve que le terrain pampéen n’a pas pu se former sous l’influence des vents. Les dunes peuvent contenir des cailloux isolés, même d’un gros calibre, mais jamais par couches entières; ces cailloux ne sauraient avoir été arrondis, transportés et réunis que par des courans d’eau. On peut même admettre que quelques cadavres aient été couverts de temps à autre par des sables mouvans, mais ce sont là des cas particuliers sur lesquels on ne saurait baser une théorie générale.

L’opinion de M. Burmeister, qui attribue la formation de la marne diluvienne pampéenne à la décomposition prolongée à travers les siècles des roches métamorphiques dans la Cordillère des Andes, fut émise par lui en 1866 dans les Annales du Musée; il la confirme aujourd’hui dans son nouvel et important ouvrage qu’il intitule Description physique de la République Argentine, mais qui contient dans son cadre élargi une véritable histoire de la formation du continent sud-américain : ce sont les granits, les syénites et les gneiss mélangés de chaux qui forment le fondement de toutes les montagnes de ce continent, qui ont fourni les matériaux de cette immense couche diluvienne. L’influence de l’atmosphère décomposait ces roches, et les eaux des pluies descendant des montagnes transportaient jusque dans la plaine les matières désagrégées. C’est ce procédé qui a fourni, par accumulation, la couche pampéenne de 30 mètres, travail lent et insensible qui se continue encore sous nos yeux sans que nous en ayons conscience, et qui a exigé un espace de trente mille années pour se compléter, si l’on prend pour base de calcul l’activité des fleuves actuels, dont les plus grands ne produisent pas plus de 7 centimètres d’alluvion par siècle. De grandes pluies ont lavé les roches et conduit jusqu’à la plaine les parcelles transportées par le courant; aujourd’hui encore le Paraná et l’Uruguay charrient dans leurs eaux bourbeuses des quantités considérables de produits d’une décomposition semblable,