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qui résulte toujours d’un grand effort infructueux. Par le fait, le protocole du 31 mars, manifestation de bonne volonté assurément, mais en même temps œuvre contradictoire d’une diplomatie embarrassée et incohérente, n’aura été qu’une démonstration vaine, un expédient bon tout au plus à clore par une apparence de dénoûment une négociation inextricable, à pallier le conflit des politiques en laissant la carrière ouverte à l’imprévu.

Maintenir l’action commune telle qu’elle a été à peu près établie dans la conférence de Constantinople, organiser la pression morale sur la Porte ottomane sans la réduire à une résistance d’orgueil national, garantir dès ce moment la paix par le désarmement de la Turquie et de la Russie, prévenir les conflits séparés par l’affirmation nouvelle du caractère européen de la question d’Orient, c’était là évidemment l’objet de cette négociation poursuivie pendant plus d’un mois. Qu’a-t-on fait cependant ? Le protocole du 31 mars répond sans doute jusqu’à un certain point à la pensée commune. Les puissances « reconnaissent que le moyen le plus sûr d’atteindre le but qu’elles se sont proposé est de maintenir avant tout l’entente si heureusement établie entre elles et d’affirmer de nouveau ensemble l’intérêt commun qu’elles prennent à l’amélioration du sort des populations chrétiennes de la Turquie. » Elles attestent immédiatement cette pensée d’action collective en engageant la Turquie à se hâter de signer la paix avec le Monténégro comme elle l’a signée avec la Serbie, fût-ce au prix d’une concession de territoire. Elles invitent la Porte à désarmer, « à profiter de l’apaisement actuel pour appliquer avec énergie les mesures destinées à apporter à la condition des populations chrétiennes l’amélioration effective unanimement réclamée comme indispensable à la tranquillité de l’Europe… » Elles rappellent ces réformes que la Porte n’a point refusé d’accepter, « sauf à les appliquer elle-même. » Enfin les puissances, en maintenant leur droit de veiller à la façon dont les promesses du gouvernement ottoman seront exécutées, se réservent, si leur espoir était encore une fois déçu, « d’aviser en commun aux moyens qu’elles jugeront les plus propres à assurer le bien-être des populations chrétiennes et les intérêts de la paix générale. » Jusque-là le protocole du 31 mars n’a rien que d’inoffensif et de pacifique. C’est une sorte d’acte conservatoire accompli par des puissances civilisées ; mais voici le supplément, le terrible post-scriptum où se cache toujours la véritable pensée.

Le post-scriptum significatif ou plutôt les post-scriptum de l’acte du 31 mars, ce sont les déclarations qui l’accompagnent. Au moment où l’on croit tout fini survient aussitôt la Russie commentant le protocole, prenant une position avancée dans l’œuvre collective, déclarant pour sa part d’une manière impérieuse qu’elle ne pourra consentir à désarmer qu’à des conditions dont elle est juge : si la paix avec le Monténégro est