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la profondeur est de 30 à 40 mètres au-dessous de la Méditerranée. Les cloisons souterraines s’affaisseraient alors elles-mêmes sous la pression des eaux qu’elles maintiennent, au fur et à mesure que se videraient les différens compartimens du lac. Le Djerid se trouverait ainsi prêt à recevoir les eaux vives de la Méditerranée dès qu’on leur aurait ouvert un passage à travers le seuil de Gabès. Toutefois, le bassin du Rharsa n’étant pas assez vaste pour recevoir à lui seul toutes les eaux du Djerid, puisqu’il n’a qu’une superficie quatre fois moindre, il faudrait le faire communiquer à son tour, par une tranchée, avec le chott Melrir, le plus grand des trois, dont la surface est de 6,700 kilomètres carrés. En supposant que l’élévation moyenne de la croûte saline du Djerid est de 15 mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée, un calcul très simple montre que l’équilibre s’établira dans les trois bassins quand la nappe d’eau du Djerid aura baissé de 24 mètres ; à ce moment, le niveau général sera de 9 mètres au-dessous de la marée basse, — ou plutôt de 12 mètres, en tenant compte de l’évaporation, qui abaissera encore le niveau de l’eau de 3 mètres pendant les trois ans que durera l’opération du transvasement du lac souterrain. La croûte saline, ne reposant plus sur les eaux, se sera désagrégée et dissoute en s’affaissant, et les matières qui la constituent se seront déposées au fond du bassin. C’est à ce moment qu’il faudra livrer accès aux eaux de la Méditerranée pour compléter le remplissage. On pourra profiter de cette irruption violente d’une énorme masse d’eau pour approfondir en quelque sorte sans frais la tranchée de l’Oued-Melah, qui formera le canal de communication. Lors du percement de l’isthme de Suez, M. Sciama avait songé à utiliser de cette manière la force motrice mise en jeu par le remplissage des Lacs-Amers pour hâter le creusement du canal à l’aide de socs de charrue entraînés par des coques de bateaux. Dans le cas dont il s’agit ici, la quantité d’eau à déplacer et la force motrice disponible sont incomparablement plus grandes ; on se trouve donc dans les meilleures conditions pour tenter l’application du procédé d’affouillement proposé par M. Sciama, et pour diminuer ainsi les frais de l’entreprise.

La largeur du seuil de Gabès qu’il faudra percer est d’environ 22 kilomètres. L’Oued-Melah s’élève lentement, à partir de son embouchure, jusqu’à une première chaîne de dunes qu’il franchit à l’altitude de 28 mètres, à 10 kilomètres du rivage. Une seconde chaîne de dunes, dirigée, comme la première, du nord au sud et dont l’altitude atteint 46 mètres, forme l’arête culminante du seuil ; elle est séparée de la première par un intervalle de 7 kilomètres. Dans cette région, M. Roudaire n’a trouvé aucune trace des roches dures qui se rencontrent en d’autres points du littoral. Près de la mer, la rivière s’est creusé un lit assez profond ; les berges d’érosion, en certains endroits élevées de 7 ou