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pour être compris. Faites en ce moment ce qui vous paraîtra préférable. Soyez heureux et content. Évitez ce qui ne vous rendrait pas meilleur, gardez-vous des tentations, soyez juste et honnête, aimez vos parens, comme vous l’avez toujours fait, et songez à vos amis, qui de leur côté ne vous oublieront pas. »

Ceci montre assez quelle mâle éducation George Ticknor avait reçue avant de quitter Boston, quels sages conseils lui arrivaient sur la terre étrangère, dans quel milieu austère il se retrouvait au retour. Un de ses amis d’enfance disait de lui que ses sentimens étaient si bien contrôlés par sa raison, son esprit si sagement équilibré, qu’il était toujours heureux en accomplissant un devoir. On admettra sans peine qu’il était capable d’occuper avec fruit la chaire de professeur que la corporation de Harvard Collège lui avait offerte lorsqu’il n’était encore qu’étudiant à Gœttingue.

On n’ignore pas qu’aux États-Unis les écoles d’enseignement primaire sont créées et entretenues par les communes, tandis que les écoles supérieures, les académies, les universités qui, sous des noms divers, tiennent la place de nos lycées et de nos facultés, sont à la charge des états ou vivent sur le produit de fondations particulières. Dans ce dernier cas, qui est le plus fréquent, l’unité, l’organisation, font défaut aux établissemens d’instruction publique. La générosité des bienfaiteurs n’est pas toujours éclairée. Les uns fondent une chaire qui portera leur nom et dont ils fixent le titre, voire le programme; d’autres font un don pour construire une chapelle, un dortoir, une bibliothèque; d’autres encore lèguent des livres ou des collections d’histoire naturelle. Une université se trouve quelquefois, par son origine même, soumise au contrôle de trois corporations indépendantes l’une de l’autre : le collège des professeurs qui délibère sur le régime intérieur de l’institution, le bureau des commissaires élus, qui exerce une surveillance générale au nom de l’intérêt public, le bureau des trustees ou curateurs, qui représente les bienfaiteurs de l’œuvre et jouit du droit de régler le budget annuel. Aussi les changemens d’organisation qui doivent obtenir l’adhésion de ces diverses autorités ne s’exécutent-ils qu’avec une lenteur désespérante, à moins que l’opinion publique, toute-puissante aux États-Unis, ne les réclame avec instance.

Une lettre que Jefferson écrivait à Ticknor en 1817 montre bien l’importance que les principaux citoyens de l’Union attachaient à l’instruction, l’initiative qu’ils ne craignaient pas de prendre pour la répandre dans toutes les classes de la société. L’ancien président, retiré dans sa résidence confortable de Monticello, ne s’occupe plus des affaires du gouvernement; à ses yeux, l’enseignement est un objet d’intérêt supérieur qu’aucun homme de doit négliger. Il rêve donc d’organiser un système général d’éducation dans l’état