Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/401

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Désert-Salé qui entoure la Perse d’une ceinture de sables; les autres, courant vers l’est, vont former les grands fleuves de la Chine, ou aboutissent à des marais au milieu du désert de Gobi, cette immense mer de sables, où les vents soulèvent et promènent sans cesse des dunes gigantesques qui renversent et engloutissent tout sur leur passage. Ces cours d’eau présentent tous la même particularité : presque à sec l’hiver, lorsque l’intensité du froid a fermé les sources qui les alimentent, ils roulent un volume d’eau considérable dès que l’été fait fondre les neiges dans les glaciers. Aussi les caravanes qui veulent passer d’un versant sur l’autre préfèrent-elles la saison d’hiver malgré sa rigueur, parce que les yaks et les moutons qui leur servent de bêtes de somme traversent aisément, sur la glace, les rivières que l’abondance et la rapidité de leurs eaux rendent presque infranchissables pendant l’été. Un autre trait commun à tous les fleuves de l’Asie centrale, c’est que leur volume diminue à mesure qu’ils s’éloignent de leur source, par suite des dérivations qui sont pratiquées pour arroser les terres cultivables. Les deux versans de la chaîne centrale, celui qui regarde la Perse comme celui qui regarde la Chine, sont occupés par des tribus de races et d’origines diverses, mais qui peuvent se ramener à deux types principaux, séparés par la nature de leurs occupations bien plus que par des traits distinctifs. Dans les régions élevées se tiennent les Kara-Kirghiz, qui l’été conduisent leurs troupeaux paître sur les hauteurs, et les ramènent l’hiver autour de leurs villages, dans les vallées les mieux abritées. Le pied des montagnes et la plaine jusqu’à la limite des sables, partout où un cours d’eau permet l’irrigation, sont habités par des tribus de race turque, adonnées à l’agriculture et à l’industrie, lorsque la turbulence de leurs voisins ne les contraint pas à reprendre la vie de maraude et d’aventures. Ces tribus parlent divers dialectes de la langue turque; mais toutes comprennent et parlent le persan. Depuis Abbas le Grand et Nadir-Shah, qui soumirent, tous les deux, à leur domination la presque totalité du Turkestan, la langue persane est demeurée la langue des affaires, et comme un lien commun entre toutes les populations de l’Asie centrale.

Le terrain ainsi reconnu, voyons, en commençant par le versant chinois, quels événemens s’y accomplissent ou s’y préparent.


I.

Toutes les populations du Turkestan professent l’islamisme, mais elles appartiennent, comme les Turcs et les Arabes, à la secte des sunnites, qui considèrent les chiites, ou sectateurs d’Ali, comme des hérétiques, et les détestent presque à l’égal des infidèles. Les Persans,