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jeune Cosaque, qui passe ensuite dans l’armée active, où il reste inscrit pendant douze ans, n’en servant effectivement que quatre. Pour les Cosaques du Don, comme pour les habitans du reste de l’empire, la durée du service peut être réduite proportionnellement au degré d’instruction. Dans les autres armées cosaques, les anciennes dispositions n’ont pas été partout abrogées, le service reste de vingt-deux ans, dont quinze dans l’armée active.

En dehors des Cosaques, les tribus du Caucase, chrétiennes ou musulmanes, fournissent des troupes qui méritent davantage le nom d’irrégulières. Il y a par exemple à l’armée du Danube un régiment de montagnards du Terek, les uns Ossètes, les autres Ingouches, tous volontaires, les premiers en partie chrétiens, les derniers tous musulmans. Dix jours ont suffi pour la mobilisation, chaque cavalier est monté sur son propre cheval et équipé à ses frais ; à la place de leur fusil à pierre, ils ont seulement reçu des carabines à tir rapide. Chaque homme touche une solde de 10 roubles par mois outre la nourriture et le fourrage. Sauf trois, tous les officiers sont indigènes ; plusieurs ne savent ni lire ni écrire. Chacune des deux sections ossète et ingouche a son étendard particulier, et c’est sous leur bannière nationale que ces peuplades guerrières sont menées au combat contre leurs coreligionnaires de Turquie[1].

Les troupes irrégulières de la Russie, les Cosaques en particulier, mettent à sa disposition près de 200,000 cavaliers, et avec les réserves peut-être 300,000, c’est-à-dire la plus nombreuse cavalerie du globe. Grâce aux distances, il est vrai, une bonne partie ne saurait guère être employée que dans une guerre défensive ou dans des campagnes d’Asie[2]. On peut se demander quelle est la valeur de pareilles troupes dans des guerres européennes ; les opinions à cet égard sont en Russie même assez différentes. Les Cosaques ont leurs apologistes, leurs admirateurs convaincus, ils ont aussi leurs détracteurs. Le temps, grâce aux réformes actuelles, doit de plus en plus donner raison aux premiers. Les Cosaques ne sont déjà plus aujourd’hui une cavalerie orientale, asiatique, semblable aux bachi-bozouks de la Turquie, sans discipline ni instruction militaire. Les cavaliers de la steppe ne méritent plus beaucoup aujourd’hui le nom de troupes irrégulières : astreints à un service assez long, ce sont déjà pour la plupart des soldats exercés, aussi propres à la grande guerre que tout autre cavalerie légère.

  1. Ces détails sont tirés d’une correspondance de Kichenef du 1er mars 1877, publiée par le Messager officiel russe.
  2. Les Cosaques fournissent surtout de la cavalerie ; ce n’est pas cependant pour ces fils de la steppe une vocation exclusive. On compte parmi eux des artilleurs et des fantassins, et, comme beaucoup vivent de la poche sur les grands fleuves, ils sont au besoin marins ou nautoniers.