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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/764

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aucune idée de l’âge du bronze et à plus forte raison de l’âge de la pierre, car il y est dit que Tubalcaïn, premier métallurgiste dont elle fasse mention, « fut forgeur de toute sorte d’instrumens d’airain et de fer. »

Enfin les auteurs anciens ne le sont pas assez pour avoir eu des notions précises sur les temps primitifs, où l’on ne connaissait pas l’écriture, sur un passé qui se comptait peut-être par dizaines de siècles. Il se peut qu’il restât des traditions se perpétuant d’année en année ; mais le passage du Prométhée d’Eschyle où il est parlé des premiers hommes, de leur vie dans les cavernes et de la découverte des métaux, est trop vague pour pouvoir servir de base à une induction scientifique. En réalité, les anciens étaient dans une situation moins bonne que la nôtre en face de ce passé qu’aucun document ne leur révélait, car ils n’avaient ni les méthodes que nous possédons, ni les faits innombrables que toutes les contrées du monde peuvent nous fournir, ni ce travail en commun qui s’accomplit sur toute la surface de l’Europe par le secours des voies de communication et de la typographie.

Les Grecs ne faisaient point de fouilles. Les Romains ont violé un grand nombre de tombeaux, non par amour de la science, mais pour en retirer les objets précieux qu’ils convoitaient, qui ont été refondus ou qui ont disparu avec eux. L’église romaine, qui succéda à l’empire, n’a jamais favorisé les sciences positives. Le moyen âge était fort occupé de métallurgie, mais le but qu’il poursuivait était celui du roi Midas : la pierre philosophale devait transformer en or tous les métaux ; le moyen âge est mort dans sa stérilité. L’esprit moderne, qui est, à proprement parler, l’esprit scientifique, après avoir conquis, avec Bacon et Descartes, ses vraies méthodes, a marché régulièrement dans la série de ses découvertes. En possession des sciences abstraites, il a pu appliquer le calcul à la réalité, et fonder la physique et la chimie. Puis il a abordé cette nouvelle série d’études qui ont pour objet les êtres vivans, il a créé la physiologie des plantes et des animaux et enfin la science de l’homme, dont l’archéologie préhistorique est le premier chapitre.

Il y avait longtemps que les paysans et les ouvriers connaissaient l’existence des instrumens de bronze, les ramassaient et les vendaient, quand les savans songèrent à les recueillir et à former des musées. La première collection créée fut celle de Copenhague. C’est Thomsen qui, dès 1836, classa les objets de toute sorte retirés des dolmens, des tumuli et des tourbières du Danemark, et fonda le Musée des antiquités du Nord, la plus belle collection préhistorique de l’Europe. Un Suédois, Sven Nilsson, profitant du travail accompli par Thomsen et de la connaissance qu’il avait lui-même des peuples barbares de l’Océanie et des autres contrées non encore