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exclusivement des assemblées. Qu’elles ont accompli leur tâche en toute conscience, les chiffres des dettes publiques des diverses colonies est là pour le prouver : 12 millions sterling pour Victoria, 11 millions pour la Nouvelle-Galles du sud, 4 millions pour Queensland, 2 millions pour l’Australie du sud. Ces chiffres semblent énormes en apparence, et l’on serait au premier abord tenté de les attribuer à cet entraînement téméraire et précipité vers le progrès qui distingue la jeunesse des nations comme celle des individus ; mais il n’y a là encore aucune imitation du go-ahead américain, et ils s’expliquent simplement par cette circonstance qu’ils représentent des sommes qui, dans un état social différent, se trouveraient partagées entre le gouvernement, les provinces, les communes et les sociétés financières. En tout cas, il est une chose qu’ils prouvent sans conteste, c’est que, si ces parlemens ont fait encore peu de bruit, ils ont en revanche fait beaucoup de solide besogne australienne.

Le peuple est de caractère mixte comme ses institutions, lesquelles en présentent une si fidèle image qu’en en parcourant les principales dispositions on distingue, de manière à ne pas s’y tromper, quels sont les élémens prépondérans dans chacune des colonies. Ces élémens sont nombreux, et, sans être aussi tranchés que dans les vieux états, ils sont cependant de nuances assez diverses pour permettre de conjecturer avec une quasi-certitude que la démocratie, bien que favorisée par le vent du siècle, en Australie comme en Europe et en Amérique, ne s’y établira cependant jamais sans mélange, car elle y a déjà ses contre-poids. Dans deux colonies sur six, et dans deux seulement, Victoria et l’Australie du sud, elle domine sans conteste, mais là même elle trouve son correctif dans ses qualités excellentes qui lui assurent une supériorité marquée. Ce sont ses meilleurs ouvriers que l’Angleterre a envoyés dans Victoria, ce sont ses plus laborieux garçons de charrue qu’elle a envoyés dans l’Australie du sud ; c’est assez dire que cette démocratie, composée de la fine fleur de la population plébéienne de la Grande-Bretagne, porte en elle des garanties d’ordre et de discipline personnelle qui en font une population presque conservatrice, peu semblable à la démocratie turbulente et aventureuse d’autres pays. Dans toutes les autres colonies, son influence est tenue en échec par des forces sociales de plus ancienne date ou des intérêts mieux munis de moyens d’action. Dans la Tasmanie et la Nouvelle-Galles du sud, un esprit fortement conservateur, legs du vieux torysme dominant à l’époque où elles furent formées, maintient la supériorité des gentlemen coloniaux sur les nouveaux arrivans à la vie et à la fortune ; mais l’élément sérieusement rival de la démocratie est