Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui a dû le blâmer après l’avoir aimé, qui enfin, dans ces derniers temps, a représenté le gouvernement de la république française auprès du saint-siège. Eh bien ! au premier appel, il est accouru, si noblement et si cordialement, que la veuve du poète en a été touchée jusqu’aux larmes.

Non, en vérité, je ne crois pas commettre une indiscrétion en révélant une scène intime qui appartient à la biographie morale d’Edgar Quinet. Des sentimens si élevés honorent celui qui les éprouve comme celui qui les inspire, et la personne qui en a recueilli le témoignage avait bien le droit de ne pas le tenir caché. Ces choses d’ailleurs appartiennent à l’histoire littéraire de notre âge. Le nom de M. de Corcelles, inscrit déjà dans ces premiers volumes, reparaîtra certainement dans ceux qui suivront. Quant à moi, ce sont les nécessités même de mon sujet qui m’ont conduit à rappeler ce fait dès le commencement de cette étude, car je n’ai pu feuilleter cette correspondance d’Edgar Quinet avec sa mère sans me demander pour quels lecteurs elle aurait le plus de charmes, chez quels esprits elle éveillerait le plus de souvenirs, quels amis enfin, dans cette foule d’amis si divers, seraient le mieux en mesure d’en apprécier la valeur et la grâce.

On m’assure que les derniers amis de M. Edgar Quinet, je veux dire les amis des derniers jours, les amis, non pas de la personne, mais du parti, trouvent cette publication assez insignifiante. C’est possible, la démocratie de certaines écoles est si impérieusement jalouse à l’égard de ceux qu’elle proclame ses chefs ! Elle impose de telles servitudes en échange de la célébrité qu’elle accorde ! Pourquoi, dit-elle sans doute, ces retours à l’enfance ? pourquoi ces naïvetés, ces aveux, ces tâtonnemens du début de la vie ? Est-ce que tout cela se rapporte au futur tribun ? Quels services de telles pages peuvent-elles nous rendre ? Quel besoin notre cause a-t-elle de ces confidences enfantines ? A ceux qui tiennent ce langage, il faut répondre sans hésiter : vous avez mille fois raison, ce livre n’annonce en rien le tribun futur, et c’est là précisément ce qui en fait le grand charme ; il annonce le poète. Vous n’avez rien à revendiquer dans ces effusions candides. De toutes ces luttes, de toutes ces colères, auxquelles le poète se laissera entraîner dans sa recherche d’un christianisme idéal, et qui bientôt, à l’appel des partis, le ramèneront du haut des cimes à la région des polémiques inférieures, — de tout cela il n’y a presque point trace en ces premiers volumes. On doit ajouter, bien entendu, que les provocations injurieuses n’ont pas encore éclaté. Edgar Quinet, aux dernières pages du livre, vient à peine de prendre possession de sa chaire du Collège de France. C’est donc le premier Quinet, Quinet avant