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Ces observations, même incomplètes à certains égards, sont donc fort précieuses encore et mériteraient d’être partout imitées.

La géographie n’est pas moins intéressée que la statistique au développement de la méthode d’enquête sociale. Rien ne révèle avec plus de précision que les monographies l’influence prépondérante qu’exercent sur la constitution sociale d’une race l’étendue du sol non défriché dont elle dispose et les productions spontanées que lui offre son territoire. Pour l’auteur des Ouvriers européens, ces deux élémens, dont l’importance se traduit par les chiffres des budgets, sont décisifs en ce qui touche l’organisation de la famille, l’institution de la propriété, le régime du travail et le système de l’émigration. On doit donc désirer que l’attention des voyageurs soit dirigée vers l’observation méthodique des faits sociaux, afin de contrôler sans cesse et d’étendre à de nouvelles régions les résultats acquis par les travaux antérieurs. On donnera ainsi pleine satisfaction à l’une des nécessités les plus pressantes de notre époque. En Angleterre comme aux États-Unis, de puissantes associations libres, for social science, provoquent déjà d’importantes recherches et prennent l’initiative de congrès ou de publications qui en répandent largement la connaissance. En France, malgré l’impulsion que l’Académie des Sciences morales donne aux travaux économiques, deux sociétés sœurs, la Société d’économie politique et la Société d’économie sociale, sont à peu près seules à poursuivre l’étude des problèmes sociaux. Elles unissent leurs efforts pour une œuvre commune, ainsi que le disait dans une circonstance récente un savant économiste, M. Joseph Garnier ; mais elles ne disposent ni des ressources ni de la publicité qui donnent tant d’éclat aux associations anglaises et américaines. Il est temps que notre patrie cherche à regagner l’avance qu’elle a laissé prendre à ses émules. Elle est particulièrement propre, par la netteté de son génie et la précision de sa langue, à les seconder efficacement. Que de toutes parts des observateurs consciencieux se mettent à l’œuvre et s’attachent à recueillir, par les procédés sûrs des enquêtes directes, de nombreux matériaux d’information. Alors la science des sociétés, comme celle de la nature, reposera sur d’inébranlables fondations, et il deviendra possible dans un avenir peu éloigné de créer, au grand honneur de la science française, un enseignement méthodique des principes sociaux rigoureusement déduits de l’observation des faits.


IV. — L’APPLICATION DE LA METHODE A L’ETUDE DES OUVRIERS DE L’ORIENT.

Au terme de ce travail, alors que l’édition nouvelle ne soumet encore à la critique que les monographies de l’Orient, ce n’est ni le