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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/892

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Lebrun, qui avait assisté sans protester à l’assassinat de ses deux prédécesseurs, n’avait pas à l’extérieur une plus haute situation qu’au dedans. Il présenta aux nouveaux députés un rapport assez sombre sur la position de la France en Europe, sur son isolement absolu. La convention répondit par la fière déclaration du 26 septembre, annonçant que la république n’ouvrirait pas de négociations avant que le territoire français eût été évacué. C’était là une déclaration bien osée; la seule excuse de la convention, c’est qu’elle a su, grâce surtout à l’indomptable énergie de quelques hommes, diriger les événemens militaires de telle sorte qu’elle n’eut pas besoin de manquer à son programme. La convention était patriote et française, elle était fière devant l’étranger, elle sut chasser l’ennemi au-delà des frontières. Il serait injuste que ses crimes à l’intérieur le fissent oublier.

Après la mort du roi, au procès de qui Lebrun ne prit qu’une part indirecte, l’isolement de la France devint plus complet encore. L’Angleterre chassa les agens di la république, et en réponse la convention lui déclara la guerre. Bientôt après, la trahison de Dumouriez mettait le pays à deux doigts de sa perte. Le 1er avril 1793, Lebrun fut accusé par Danton comme complice du général dont il était l’ami, et les dénonciations se multiplièrent contre lui. On sait comment les girondins furent arrêtés à la suite de la pression exercée pendant les derniers jours de mai sur la convention par le peuple en armes. Lebrun fut mis en état d’arrestation chez lui le 4 juin, il ne cessa pourtant pas pour cela d’être ministre et signa des nominations jusqu’au jour où il fut remplacé (21 juin). Plus tard il essaya vainement d’échapper à la proscription : il mourut sur l’échafaud dans les derniers jours de 1793. C’est le troisième ministre des affaires étrangères qui est tué par la révolution. Trois fonctionnaires du département Baudry, Maindouze et Jozeau, partagèrent le sort de leur chef.

Le successeur de Lebrun, Deforgues, était un adjoint au ministère de la guerre que rien ne semblait particulièrement désigner au choix de la convention, si ce n’est qu’il avait conservé, malgré ses opinions avancées, les usages et la politesse de l’ancien régime. C’était, en même temps qu’un homme de bon ton, un esprit intelligent et ferme, aimant la fréquentation des gens qui savaient allier comme lui les idées nouvelles aux manières d’autrefois. Cependant il dut adopter officiellement le protocole révolutionnaire, et c’est lui qui introduisit le tutoiement dans le style diplomatique. C’est ainsi qu’en annonçant à Reinhard, ancien agent du ministère, qu’il le nommait premier commis, il écrivait : « D’après les preuves de patriotisme et de talent que tu as données, citoyen, dans les différentes missions diplomatiques dont tu as été chargé, j’ai cru ne