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certaines cultures, ils sont en arrière sur beaucoup de leurs confédérés, cela tient surtout aux mille élémens dévastateurs, éboulemens, inondations, ruptures de glaciers, avalanches, avec lesquels ils ont à compter ; mais que l’on considère par exemple l’aménagement des eaux de montagne dans le Valais, on est frappé des efforts prodigieux accomplis par les habitans de ce canton pour assurer au mieux l’irrigation du pays. Dès le XVe siècle, nous apprend le révérend père Furrer, les Valaisans, surtout ceux des hauts dizains, avaient sillonné leurs alpes d’un réseau de puissans aqueducs ou bisses, ayant souvent plusieurs lieues d’étendue et destinés à fertiliser les pentes arides. Ces canaux, dans le dialecte local, reçurent le nom de suonen, d’un mot de l’ancien idiome allemand, suon (juge), parce que les magistrats de ce temps tenaient parfois tribunal au point de jonction de deux bisses. L’établissement d’un bisse est un travail véritablement gigantesque, bien digne après tout de ces hommes industrieux et hardis qui ont suspendu tant de merveilleuses galeries aériennes au sein des gorges les plus sauvages. En sachant comment ce travail s’opère, on devine comment a pu s’opérer la conquête plus terrible encore du sinistre abîme du Trient, et plus récemment celle de la brèche, de 800 mètres de longueur, par où se précipitent, non loin du lac de Champey, les immenses cascades du Durnand.

Comme il faut souvent que le canal suive des parois perpendiculaires de rocher, des hommes plongent dans le gouffre, suspendus à une corde, et pratiquent au mur vertical les trous destinés à recevoir les poutres de soutènement. Si le rocher présente des courbes, on y perce un tunnel pour y faire passer l’eau. Si la pente est sujette à s’ébouler, le conduit est creusé sous terre et recouvert de planches, par-dessus lesquelles pourront glisser inoffensivement les débris. Au printemps, le « tuteur » du bisse convoque au besoin les intéressés pour aviser aux travaux d’entretien. L’œuvre de réparation est souvent plus pénible encore que ne l’a été celle de construction. Là où l’aqueduc consiste en sections couvertes, il faut que l’ouvrier s’y introduise à plat ventre, s’exposant ainsi à de terribles accidens, commue celui qui arriva en 1845 au bisse de Gampel, à l’entrée de la vallée de Lœtsch. En été, aussi longtemps que durent les nécessités de l’arrosage, maint canal a jour et nuit un surveillant qui prend soin que le cours de l’eau ne s’interrompe pas. Sur quelques points du canton, à Viège notamment, pour s’assurer que le bisse fonctionne, on a installé un marteau mû par une roue que fait marcher le ruisseau et qui frappe sur une planche des coups retentissans.

Une autre preuve non moins caractéristique de l’activité industrieuse des hommes du Valais, c’est la manière dont ils font voyager