qu’elles fassent leurs preuves et qu’elles triomphent de toutes les objections Seulement il faudrait souhaiter que de part et d’autre on s’en tînt toujours aux faits et qu’on évitât de raisonner à perte de vue sur des hypothèses, en faisant de longues théories et de courtes expériences. « Malheureusement, dit quelque part M. Pasteur, les médecins se plaisent volontiers dans les généralisations anticipées. Beaucoup d’entre eux sont des hommes d’une rare distinction naturelle ou acquise, doués d’une intelligence vive, d’une parole élégante et facile; mais plus ils sont éminens, plus l’art les absorbe, et moins ils ont de loisirs pour le travail d’investigation. Poussés néanmoins par la passion du savoir, propre aux esprits d’élite et (qu’entretiennent les relations de la haute société, de plus en plus curieuse des choses de la science, ils s’emparent avidement des théories faciles, spécieuses, d’autant plus générales et appropriées aux explications vagues, qu’elles sont mal établies par les faits. » C’est ainsi que les partisans trop zélés de la doctrine des fermens vivans l’ont compromise aux yeux de beaucoup d’hommes sérieux par une généralisation prématurée, et ce qui complique encore le débat, c’est qu’on y fait intervenir cette grosse question de la génération spontanée, qui a fini par se transporter dans le domaine médical. En face des médecins qui veulent voir partout un ensemencement par des germes morbides se posent ceux pour qui tout est spontané en pathologie, et qui disent, avec M. Pidoux, que « la maladie est en nous, de nous, par nous. » M. le docteur Bastian, professeur d’anatomie pathologique à l’University College de Londres, qui est l’un des représentans les plus ardens de cette école, avait accepté un défi de M. Pasteur et était venu à Paris pour répéter, en présence d’une commission nommée par l’Académie des Sciences, une expérience qui, selon lui, prouve la naissance spontanée des bactéries dans un liquide approprié ; mais il paraît qu’on n’a pu s’entendre sur les conditions dans lesquelles il convenait d’opérer, et cette tentative d’arbitrage solennel est restée sans résultat.
Il importe pourtant de sortir de ces obscurités. Selon qu’il se laisse guider par l’une ou par l’autre de ces théories, le praticien devra nécessairement adopter une médication différente; au point, de vue prophylactique comme au point de vue thérapeutique, tout dépend de l’étiologie à laquelle on s’arrête pour une maladie donnée. Il est incontestable que l’histoire naturelle a déjà rendu de très grands services à la médecine en dévoilant le véritable caractère de certaines affections telles que la gale, la teigne faveuse, le tournis des moutons, la trichinose, la pébrine, qui toutes ont pour cause unique la présence de parasites nettement déterminés. Ce serait évidemment un grand pas de fait, s’il était démontré d’une manière irréfutable que telle maladie spécifique, comme la variole par exemple ou la fièvre typhoïde, doit être attribuée à une cause analogue, c’est-à-dire à la présence d’un ferment organisé.