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cependant ici encore je me permettrai de contredire son opinion. Cette injustice n’est qu’apparente et me paraît plus près de la justice véritable et de la charité envers les noirs que ne le serait une dédaigneuse indulgence. La répression pénale est par tous pays et dans toute société un excellent moyen d’éducation, et dans le cas de peuplades sauvages enclavées dans une société civilisée, il est le seul après les méthodes de la religion. N’est-il pas vrai en effet que l’aborigène australien serait très près de la civilisation s’il pouvait comprendre qu’il y a quelque chose de supérieur aux coutumes de sa tribu, et qui mérite obéissance au-dessus des ordres de son chef ? Si les méthodes de l’évêque Short et du ministre Hagenauer sont insuffisantes pour lui inspirer le respect de ce quelque chose, la prison et la potence peuvent au moins lui en enseigner la crainte, qui, selon le mot de l’Écriture, est le commencement de la sagesse.


II. — LE PRESENT AUSTRALIEN. — LES INSTITUTIONS, LA QUESTION DE SEPARATION, POLITIQUE AUSTRALIENNE.

Aujourd’hui les convicts se sont évanouis comme un mauvais rêve, les aborigènes ont été relégués au dernier plan des préoccupations coloniales, l’Angleterre s’est réduite au rôle d’un tuteur qui, l’heure de la majorité de son pupille venue, n’exerce plus d’autorité que par le conseil et l’habitude du respect qu’il inspire, et l’Australie, élevée par ses habitans à la dignité de patrie, est entrée dans une ère d’indépendance, sans connexité d’aucune sorte avec le passé dont nous venons de montrer les vestiges chaque jour un peu plus effacés. En 1850, presqu’à la veille de la découverte de l’or, le riche district connu sous le nom de Victoria demanda à se séparer de la Nouvelle-Galles du sud et à se former un gouvernement indépendant sous le contrôle de l’autorité britannique. Victoria ne fut pas longtemps seule à jouir de ce privilège de liberté qui, aidé de la découverte de l’or, en fit avec une rapidité magique une terre exceptionnellement prospère. En 1856, la Nouvelle-Galles, la Tasmanie et l’Australie du sud, obtinrent, avec l’assurance qu’elles ne recevraient plus de convicts, le droit de se former des gouvernemens analogues à celui de Victoria, et en 1857 les premiers parlemens se réunirent dans ces colonies. Enfin Queensland se sépara de la Nouvelle-Galles du sud, et acquit comme ses aînées une existence propre. Seule des six colonies, l’Australie de l’ouest, empêchée par sa pauvreté et le chiffre chétif de sa population, est restée sous la tutelle de l’autorité anglaise ; encore ce lien s’est-il, là même, suffisamment relâché pour créer à cette Cendrillon des colonies australiennes une demi-indépendance et une sorte de self-government.

Depuis vingt ans, nous avons entendu, nous ne savons combien