Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfouis dans les couches terrestres, les analogies que nous découvrons entre les créatures actuelles et leurs prédécesseurs nous portent souvent à admettre leurs parentés.

Parmi les êtres fossiles, les mammifères qui ont caractérisé la troisième grande phase de l’histoire de la nature, appelée l’époque tertiaire, offrent des conditions particulièrement favorables pour l’étude des questions relatives à l’évolution. À cette époque, les mammifères forment un contraste frappant avec la plupart des autres êtres. Alors les plantes appartiennent déjà aux genres actuels ; ainsi que l’ont montré les admirables travaux de M. de Saporta, elles subissent encore des changemens d’espèces et de races, mais leurs transformations génériques sont accomplies. Les grands traits des animaux invertébrés sont presque tous dessinés : leurs espèces varient ; leurs genres, leurs familles, ne varient plus guère. Les poissons ont atteint leur apogée ; les reptiles l’ont dépassé et sont en voie de diminution. Il n’en a pas été de même pour les mammifères : ces êtres, dont la peau est le plus souvent délicate, nue ou couverte de poils, n’ont eu leur complet développement que lors de l’extinction des énormes reptiles secondaires, auxquels une peau coriace et quelquefois cuirassée donnait des avantages dans la lutte pour la vie. Pendant la plus grande partie des âges tertiaires, les mammifères ont été très différens des animaux actuels : ils ont été encore en pleine évolution ; ils ont présenté une infinie richesse de formes. Dans la multitude de ces espèces qui se sont succédé, il y en a eu qui, à un moment donné, semblent avoir apparu ou disparu brusquement ; mais je vais tâcher de montrer par quelques exemples qu’il y en a eu aussi plusieurs dont on peut suivre les enchaînemens.


I

Les mammifères se divisent en placentaires et en marsupiaux. Chez les premiers, la membrane appelée allantoïde dont s’entoure le fœtus s’étend assez pour former un placenta par lequel il s’unit intimement avec sa mère. Chez les seconds, l’allantoïde reste à l’état rudimentaire, il n’y a pas formation de placenta ; aussi les petits ne se développent que très incomplètement, et ils arrivent au jour dans un état imparfait ; souvent, pour protéger leur faiblesse, la mère a sous le ventre une poche (marsupium) où elle les reçoit. Ces marsupiaux, que les naturalistes regardent comme inférieurs aux placentaires, ont apparu les premiers ; ils ont quitté nos pays dès le milieu des temps tertiaires.

Quand nous réfléchissons que l’époque de la disparition des