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ne l’étant pas, et pour s’opposer à ma nomination… La lettre n’est pas encore partie… J’ai fait insinuer à M. le nonce que M. de Paris est un esprit faible et que l’on traite comme un enfant (lettre du 5 octobre 1651). » Si la lettre fut jamais remise au pape, il ne paraît pas qu’elle ait fait sur son esprit la moindre impression.

A quelque temps de là, François de Gondi fit offrir son archevêché à son neveu en échange de la pourpre, et voici comment Retz parlait de cette offre à l’abbé Charrier : «… M. de Paris m’a fait proposer l’échange de son archevêché avec mon chapeau, c’est-à-dire ma nomination. Voyez adroitement les sentimens du pape là-dessus, et si cela pouvait faire peur au pape, vous pouvez lui en faire dire quelque chose. Je m’en rapporte à vous et vous remercie de tous vos soins (19 janvier 1652). » Retz voulait dire par ces dernières phrases que, s’il devenait archevêque de Paris, le pape aurait à craindre qu’il n’embrassât la cause des jansénistes et des gallicans. Le passage de la lettre qui suit ne peut laisser aucun doute sur ce point : « L’on m’a donné quelque avis, mandait-il à l’abbé Charrier le 2 février (1652), que M. de Paris pourrait, si je voulais, prendre la nomination en échange de l’archevêché ; j’y ai quelque pensée et pourtant je n’y suis pas tout à fait encore résolu. Vous pouvez, à mon sens, en faire courir secrètement le bruit, parce que je crois que cela peut avancer le temps de la promotion dans l’appréhension que peut avoir le pape qu’étant en cette dignité, mon ressentiment me porte à des choses qui lui seraient désavantageuses. Voyez ce qui se peut faire là-dessus. Je m’en rapporte tout à vous. » Il ne fut donné aucune suite à cette combinaison.

Les princes de Condé et de Conti avaient envoyé à Rome de leur côté, comme nous l’avons dit, le poète Mathieu de Montreuil, un de leurs serviteurs les plus intelligens et les plus dévoués, pour qu’il y mît obstacle à la promotion de Paul de Gondi. Les princes donnèrent des instructions dans le même sens à deux de leurs familiers, les pères Boucher et de Lingendes, de la compagnie de Jésus, qui se rendaient aussi à Rome pour l’élection du général de leur ordre. Mathieu de Montreuil avait en même temps pour mission de solliciter le chapeau en faveur du prince de Conti, dont il était secrétaire. C’était un personnage fort original que ce Montreuil. Abbé à la façon de Marigny, sans être le moins du monde engagé dans les ordres, il aimait les femmes à la folie et rimait en leur honneur des petits vers plus que lestes qu’il semait dans tous les recueils du temps, ce qui lui attira ces deux vers de Boileau :

On ne voit point mes vers, à l’envi de Montreuil,
Grossir impunément les feuilles d’un recueil.

Bel esprit dans le genre de voiture, dont il exagérait le jargon