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garda, sous une forme plus ou moins déguisée, la peine du talion, de la mutilation, et ces châtimens symboliques usités par les barbares ; elle se montra plus inflexible et plus acerbe quand le coupable était d’une condition plus infime, parce qu’elle estimait indispensable, pour maintenir l’ordre et la discipline dans la hiérarchie sociale, d’user de plus de sévérité envers ceux qui ont moins d’intérêt à les respecter. La législation criminelle d’autrefois employa à l’égard du prévenu tous les moyens de nature à lui faire avouer le crime, à lui ôter les échappatoires. Comme les mœurs demeuraient encore, surtout pour les relations entre classes différentes, brutales et sanguinaires, elle ne sentait pas la nécessité de cette modération, de cette retenue dans le châtiment, qui ne fut comprise qu’après que le sentiment d’humanité eut pénétré dans les cœurs et pris sa place dans la raison humaine. La vindicte publique, c’était pour elle non pas seulement la juste et ferme demande d’un châtiment exemplaire, c’était une colère furibonde, une soif de sang et de tourmens. L’idée d’améliorer, d’amender le coupable par la peine ne se faisait guère jour. Comment la législation criminelle, qui ne voyait dans le coupable qu’un monstre dont il fallait purger la société, se serait-elle préoccupée de son amélioration morale ? L’espoir même laissé au coupable qu’on s’intéresserait à son sort n’aurait-il pas pu, dans l’opinion du législateur, affaiblir l’effroi que devait entraîner le châtiment ? Alors qu’on refusait même au criminel, près d’être conduit à l’échafaud, un confesseur, comme cela se pratiqua jusqu’en 1396, afin d’ajouter chez lui aux terreurs du supplice celles de la damnation, aurait-on pu songer à en faire un honnête homme ? Qu’importait l’état moral de ce criminel à un régime qui le plus souvent le condamnait à mort ou à une servitude quasi perpétuelle ? Aussi, réduit à un affreux désespoir, le malfaiteur n’avait-il plus qu’à maudire ses juges ; il s’absolvait lui-même à ses propres yeux par la pensée qu’il était en face d’ennemis voués à sa perte et jeté dans une société à l’égard de laquelle il était en état de défense légitime.

L’église portait un autre esprit dans ses pénalités : elle avait horreur du sang et remettait au bras séculier l’exécution qu’elle n’osait faire ; elle recommandait que la peine fût appliquée dans un esprit de charité et non d’animosité ; elle cherchait l’amendement du coupable, parce qu’elle était plus préoccupée de l’observation de la loi morale et religieuse que des exigences de l’ordre politique, des âmes que des corps. Aussi avait-elle réservé toutes ses rigueurs pour les attentats contre la foi et contre les mœurs. Les premiers empereurs chrétiens, conformément à ses enseignemens, édictèrent contre de tels attentats des peines souvent plus sévères que contre