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en arrière sur une colline assez basse, mais protégée par un marais de l’Auron. La position était si bien choisie que César, espérant un jour surprendre les Gaulois en l’absence de Vercingétorix, qui s’était éloigné momentanément avec sa cavalerie, se porta en force sur cette position dans l’intention de livrer une bataille dont le gain eût été suivi de la reddition d’Avaricum ; mais il dut revenir sous les murs de la ville sans avoir pu engager le combat. Il avait donc en pleine Gaule un rival en stratégie !

A sa grande surprise, Vercingétorix, de retour au camp, se vit l’objet d’accusations perfides. Évidemment il y avait des détracteurs parmi les chefs rangés sous ses ordres. Sa tactique expectante impatientait les soldats, et ceux qui jalousaient sa haute position en profitaient pour semer contre lui des soupçons odieux. Ne lui reprochaient-ils pas d’avoir abandonné à dessein l’armée, de l’avoir exposée sans commandement et sans cavalerie à une attaque des Romains, d’avoir prévenu César de son absence, de trahir, en un mot, la cause nationale, dans l’espoir d’obtenir de l’ennemi national la souveraineté de la Gaule entière ! Qu’on veuille bien remarquer cette préoccupation constante de savoir qui commanderait à la nation réunie sous un seul gouvernement. Vercingétorix en appela à l’armée elle-même, c’est-à-dire qu’il convoqua une assemblée générale et lui soumit ses explications à la fois modestes et fières. « J’ai quitté le camp, leur dit-il, parce qu’il nous faut du fourrage, et vous-mêmes m’y avez engagé. Je me suis rapproché des Romains, parce que je savais votre position excellente et se défendant d’elle-même. J’ai emmené la cavalerie, parce qu’elle ne servirait à rien dans ces lieux marécageux, tandis qu’elle était très utile là où je la conduisais. Je n’ai délégué à personne le commandement suprême, parce que je craignais que mon lieutenant ne fût poussé par la multitude à livrer bataille, car je vois que vous en auriez tous envie, faute d’endurance, parce que ces fatigues prolongées vous impatientent. Si les Romains sont venus ce jour-là par hasard, rendez grâces à la fortune ; s’ils ont été attirés par les indications de quelque traître, remerciez ce traître lui-même : vous avez pu, de la hauteur que vous occupez, juger de leur petit nombre et vous rire de l’intrépidité dont ils se vantent. Ils n’ont pas osé vous attaquer, et ils ont dû regagner honteusement leur camp. Quant au commandement suprême, je serais fou de le demander à César et à l’infamie, quand je peux l’obtenir par une victoire dont ni moi, ni personne en Gaule ne peut plus douter. Il y a plus : si le pouvoir qui m’est confié vous paraît un honneur pour moi plutôt qu’un moyen de salut pour vous, reprenez-le ; mais auparavant, en preuve de la vérité de mes assertions, écoutez ces soldats romains, » Il fit alors avancer des Romains faits prisonniers