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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/59

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l’inquiéter, de le harceler, de l’affaiblir de toutes manières pendant sa longue route à travers un pays soulevé. La marche de César eût été au fond une retraite, et, à mesure qu’il se rapprocherait du midi, la Gaule tout entière fondrait en masse sur son armée découragée. César, dans ses Commentaires, dissimule à peine ses inquiétudes. Il recourut à un moyen extrême en recrutant à grands frais au-delà du Rhin des Germains qui ne demandèrent pas mieux que de dépenser sous ses ordres leur ardeur belliqueuse et pillarde. Il leur demanda surtout des cavaliers, et il en vint beaucoup. Mais le proconsul les trouva si mal montés qu’il leur fit donner les chevaux de ses propres tribuns et des chevaliers romains. C’étaient du reste de précieux auxiliaires, des gens qui chez eux vivaient de peu, détestaient les Gaulois, aimaient à se battre et trouvaient l’existence fort douce dans ce gras pays où il y avait partout du blé et de la viande.


II

M. F. Mounier pense que César dut effectuer sa jonction avec Labienus aux environs de Clamecy. Son armée devait se monter dès lors à environ 100,000 hommes, y compris le corps germain auxiliaire. De là, passant l’Yonne, se dirigeant par Avallon et Montbard, César tourna le Morvan à l’est pour redescendre sur Divio (Dijon). Son plan était en effet de se rapprocher le plus possible des Séquanes et de leur place forte Vesuntio (Besançon). Une fois là, il n’avait qu’un effort à faire pour rentrer dans la Province par le pays des Allobroges, contenir ceux-ci, rétablir ses communications avec l’Italie, purger la Province des bandes qui l’infestaient et, s’il le pouvait, reprendre l’offensive. De plus il courait la chance de forcer l’armée gauloise à accepter une des grandes batailles que Vercingétorix voulait éviter à tout prix et dont le gain déciderait de toute la campagne. L’armée gauloise suivait ses mouvemens à distance, conformément au plan de son chef. Elle s’établit au nord de Semur, à cheval sur l’Armançon et dans une position très favorable à cette guerre de harcèlement, qui seule convenait à l’état d’infériorité militaire des défenseurs de la Gaule.

Comment donc s’expliquer qu’il y ait eu dans ces environs une bataille provoquée par Vercingétorix lui-même, contrairement aux intentions qu’il avait toujours manifestées ? C’est un véritable problème. César nous représente Vercingétorix lançant toute sa cavalerie, qu’il tenait tant à ménager, sur les légions qui venaient de passer l’Armançon, sans appuyer cette charge formidable d’un seul corps d’infanterie. Il lui met dans la bouche un discours très fier, plein d’assurance, à la suite duquel les cavaliers gaulois jurèrent