Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/690

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une pareille tombe. » D’autres monumens, non moins dignes d’admiration, abondent dans les environs de la ville : ainsi, à Sikundra, le tombeau d’Akbar, haut de cent pieds sur une largeur de trois cents à la base ; il se compose de cinq étages en retrait, les quatre premiers de grès rouge, le cinquième de marbre blanc ; chaque terrasse est ornée de coupoles et de galeries d’un effet fort heureux ; c’est dans son ensemble un échantillon de l’art mauresque qu’on place à côté de l’Alcazar et de l’Alhambra. Le 29, le prince fit une visite à Futtipore-Sikhri, une ville ruinée ou plutôt déserte, qui fut construite et abandonnée par le grand Akbar dans l’espace d’un demi-siècle. Bâtie en grès rouge, elle est encore debout avec toutes ses merveilleuses constructions, comme pour donner la mesure des prodigalités et des caprices auxquels s’abandonnaient les princes les plus sages de la dynastie mogole.

D’Agra, on fit une excursion de quelques jours aux cours voisines de Gwalior et de Jeypore. Scindia, maharajah de Gwalior, est peut-être le vassal le plus belliqueux de l’Angleterre, et c’est un grand danger pour la domination britannique qu’elle n’offre aucune perspective de gloire militaire aux esprits de cette trempe. Faute de mieux, Scindia s’est passé le luxe d’une petite armée, organisée et équipée à l’européenne, qu’il fit manœuvrer sous les yeux de son altesse royale. Le maharajah de Jeypore au contraire, un Rajpoute pur sang, ne s’occupe que de créer des écoles, des hôpitaux, des manufactures et des routes. Sans compter les écoles primaires, il entretient dans sa capitale un collège sanscrit, un collège rajpoute et une école des arts et manufactures où l’on enseigne le dessin, l’ébénisterie, le moulage, la reliure, la galvanoplastie, l’horlogerie, la sculpture, la broderie, la serrurerie, etc. « Et cependant, ajoute M. Russel, les pauvres ignorans d’autrefois, dénués de toute instruction dans les principes de l’art, concevaient et exécutaient ici des travaux que leurs descendans plus fortunés et plus instruits sont incapables d’égaler. Voilà, par exemple, l’émail de Jeypore ; les meilleurs ouvriers de Londres, de Paris, de Vienne, de Rome, admettent qu’ils ne peuvent atteindre à ce degré de perfection. Il est hors de doute que notre enseignement formera nombre d’artisans genre Birmingham, mais il est à craindre qu’à force de perfectionner les procédés on n’arrive à gâter les produits. »

C’est aux environs de Jeypore que le prince tua son premier tigre, — une belle femelle de 2m,60 de long, — rabattu par une armée de traqueurs vers une sorte de blockhaus où son altesse royale se tenait à l’affût en compagnie du maharajah. Ce ne fut du reste que le prologue de la campagne cynégétique qui allait s’ouvrir.

On appelle Terai une bande de forêts et de marécages qui borde le pied méridional de l’Himalaya, depuis l’Indo-Chine jusqu’à