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l’Afghanistan. La zone choisie pour les chasses du prince se trouvait moitié sur le territoire britannique, moitié à l’intérieur du Népaul, royaume considérable, à peu près indépendant, qui s’étend sur le revers, méridional de la chaîne la plus élevée du globe. Dans la première partie, c’était le général Ramsay, commissaire du district adjacent, qui avait charge de l’expédition ; dans la seconde, le prince devait être l’hôte de sir Jung Bahadour, ministre dirigeant du Népaul, dont les journaux de l’Inde nous ont annoncé la mort récente. Le prince n’emmena avec lui qu’une partie de sa suite. Le chapelain du prince, M. Duckworth, malade de la fièvre, avait été remplacé par le révérend Julian Robinson, une curieuse figure anglo-indienne, tour à tour ministre des autels, missionnaire, reporter, journaliste et grand chasseur devant l’éternel, ne se gênant pas pour tuer un tigre entre deux prêches, au demeurant gai compagnon, fort estimé et populaire dans son entourage. D’immenses préparatifs avaient été faits par les autorités anglaises pour assurer le succès de la campagne ; sans compter la suite du général Ramsay, le prince avait à sa disposition plus de 2,500 personnes, 119 éléphans, 550 chameaux, 100 chevaux, 60 charrettes avec leur attelage de bœufs, enfin des vaches, des chèvres, des moutons et d’autres provisions vivantes en quantité innombrable. Les éléphans furent divisés en deux corps : le premier, de beaucoup le plus nombreux, était destiné à battre la jongle en demi-cercle, le second, formé par quelques individus de choix, devait servir à porter les chasseurs, qui dominaient ainsi le fourré, à l’abri dans leur baldaquin. Il arrive fréquemment que le tigre bondit sur l’éléphant et blesse le mahoud ou cornac qui se tient à cheval sur le cou de la monture ; mais il est fort rare que le fauve atteigne l’occupant du baldaquin. M. Russel raconte que, dans une des chasses, un tigre blessé sauta sur l’éléphant de M. Robinson, et plaçant une patte sur la carabine du révérend, se mit à dévorer une jambe du cornac. L’éléphant, comme d’habitude, se dégagea par une violente secousse, mais le tigre rebondit aussitôt sur l’éléphant du colonel Ellis, et il était en train d’y enlever le mahoud, quand le colonel le fusilla à bout portant. Il est vraiment incompréhensible, odieux même, si réellement c’est là une simple question d’élévation, que les chasseurs de l’Inde n’aient pas encore trouvé le moyen de mettre leurs mahouds à l’abri de pareils accidens.

Chaque jour, on battait une portion nouvelle de la jongle, tout en se dirigeant vers le point désigné pour le campement du soir. Rien de curieux comme la physionomie du cortège qui dans l’intervalle transportait d’une étape à l’autre les bagages et les provisions de l’expédition : « Longues lignes de chameaux attachés à la queue l’un de l’autre, que dirigeait un enfant menant en laisse le