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sources, soit vers ce bassin de retenue, soit vers le collecteur central. Au nord, à l’est et au sud, les seuls côtés par où le Fucin recevait naguère de notables apports, on a établi à mi-côte, aux limites circulaires de la nouvelle propriété, des canaux devant recueillir ce qui vient des montagnes ; un système de pentes correspondantes peut amener ces divers tributs dans le bassin de retenue ou dans son canal, qui les transmet au grand collecteur, puis à l’émissaire. S’il n’est pas utile que ces eaux soient tout de suite emportées, si par exemple on veut les employer aux irrigations que réclame l’agriculture dans les diverses parties de l’immense plaine, une multitude de fossés amorcés de part et d’autre sur les canaux que nous venons de décrire, et munis d’écluses, peuvent emmener les eaux venant du nord et celles venant du sud vers le grand central, non sans avoir, sur leur passage, très utilement imbibé les terres cultivées. Bien plus, toutes les fois que les exigences de l’agriculture le permettront et qu’il n’y aura pas de circonstances exceptionnelles, une quatrième sorte de canal, suivant une ligne perpendiculaire au grand collecteur, lui apportera du nord et du sud, en un point situé à 3 kilomètres vers l’est de la tête de l’émissaire, des eaux qui, par une différence de niveaux habilement ménagée, produiront des chutes de 4 mètres de hauteur, d’un utile emploi pour l’industrie.

Après ces explications techniques, nous pouvons sans doute entreprendre, au double point de vue pittoresque et économique, un examen de l’immense vallée conquise sur les eaux. Quel aspect offrent ces lieux aujourd’hui, quels souvenirs du passé, quelles promesses pour l’avenir ? Le lac que l’industrie humaine a osé supprimer était d’une admirable beauté ; avec ses enfoncemens entre les montagnes, avec son frais miroir reflétant de toutes parts les sommets neigeux, il était comme une seconde baie de Naples. Era troppo bello ! me disait au mont Cassin le père Tosti. Il faut bien que cette beauté ait été prestigieuse et perfide pour que, dans l’antiquité comme dans les temps modernes, les hommes se soient ligués et aient conspiré contre elle. Aujourd’hui le lac est vaincu ; nous avons pu mesurer quelques étapes de cette lutte séculaire, et l’on peut voir au nord, à Cesolino, entre Avezzano et Albe, les traces subsistantes de l’époque préhistorique pendant laquelle le Fucin couvrait tout ce qu’on pouvait appeler naguère son bassin hydrologique. Les marques de ses principales crues dans les époques ultérieures ont été conservées ; les calculs ont démontré que dans l’hiver de 1873 encore, sans les récens travaux, les propriétés riveraines eussent eu à subir de nouveaux désastres. C’est cependant une entreprise hardie, dans tous les temps, que de faire violence, comme disaient les anciens, à la nature ; quand Dieu crée des