Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/873

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut si puissant sous la restauration et le règne de Louis-Philippe, et qui ne s’est arrêté qu’après avoir obtenu entre autres victoires l’abolition de la traite et celle de l’esclavage, venait alors de naître, et le gouvernement anglais, obligé de compter avec ce courant de l’opinion, préférait s’abstenir, dans la crainte que toute mesure qu’il pourrait prendre ne l’entraînât à des résolutions contraires à ses intentions de bon vouloir et de justice envers les indigènes de la Nouvelle-Zélande. Ce décret de colonisation n’eut donc d’autre résultat pendant de longues années que de permettre à leurs risques et périls les abords de la Nouvelle-Zélande aux Anglais d’espèce aventureuse qui voudraient y aller chercher fortune, renom et même puissance. Des traficans de nature plus ou moins équivoque y vinrent pêcher la baleine ou acheter aux indigènes phormium, peaux de requin et gomme de kauri ; des missionnaires anglicans de zèle excentrique vinrent y distribuer des bibles, et des aventuriers diplomates, autorisés ou non par le Colonial office, y essayer la formation de gouvernemens indigènes dont ils se réservaient d’être les chefs. Ces fréquentations répétées et ces tentatives avortées ne furent cependant pas sans conséquence. Elles finirent par établir un certain commerce régulier avec les Maoris et par leur faire comprendre l’importance du peuple auquel appartenaient les hommes qui trafiquaient avec eux. Sous cette forme première de marchands d’aventure, les Européens leur furent d’ailleurs si sympathiques que non-seulement ils s’abstinrent d’ordinaire de les manger, mais que, les traitant comme des frères, ils associèrent, pour les désigner, leur nom national au mot de pakeha, qui dans leur idiome signifie étranger. Pakehas Maoris est le nom que portent en Nouvelle-Zélande les Européens établis parmi les Maoris, et cette appellation est née de l’époque de rapports irréguliers qui a précédé la colonisation sérieuse.

Cette colonisation, au contraire de celle de l’Australie, fut entièrement l’œuvre de l’initiative sociale qui prit en main l’entreprise, et finit par triompher des scrupules et des résistances du gouvernement anglais. En 1825, une société, la New Zealand company, se forma sous les auspices de lord Durham avec le but avoué d’acheter des terres aux indigènes pour en disposer en faveur de colons anglais. L’association ne put obtenir d’être reconnue par le gouvernement et disparut au bout de quelques années sans avoir rien accompli ; mais elle avait rompu la glace, comme on dit vulgairement, et en 1836 une nouvelle société, la New Zealand association, se forma sous les auspices de M. Francis Baring, futur lord Ashburton. Pas plus que la première, elle ne fut reconnue par le gouvernement, qui vit en elle une société politique beaucoup plus que commerciale. Pendant des années, il s’établit entre le