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de la police, et, s’il est possible de la tenir en échec sans la force militaire, certainement on ne laissera pas la troupe engager la lutte avec elle. Somme toute, la loyauté du pays est vraiment grande, et, en ce qui concerne la personne du souverain, il est impossible qu’elle le soit davantage. »


Ainsi, bien que l’Angleterre ne fût absolument à l’abri des contre-coups du 24 février, ce n’est pourtant pas de ce côté-là que devait se porter avec le plus de hâte l’action vigilante du baron. L’Allemagne était bien autrement agitée, menacée, bouleversée de fond en comble par les révolutions de 1848. Le prince Albert lui’ avait écrit : « Si vous m’aimez, si vous aimez Victoria, si vous aimez l’oncle Léopold, si vous aimez votre patrie, arrivez au plus vite. » Victoria ne courait aucun péril, l’oncle Léopold pouvait être exposé, il est vrai, à de sérieuses épreuves, mais c’est en Allemagne que se dressaient les questions redoutables, et Stockmar était persuadé qu’il servirait son pays bien moins efficacement à Londres qu’à Berlin ou à Francfort.

Quelles étaient les vues de Stockmar sur la rénovation de l’Allemagne ? L’éditeur de ses Mémoires, M. le baron Ernest de Stockmar, affirme qu’elles étaient parfaitement arrêtées dès les années 1814, 1815, et qu’elles se résumaient en ces cinq articles : 1o la cause de la décadence politique de l’Allemagne, de sa faiblesse, de son impuissance, de sa honte au dehors et de ses embarras intérieurs, ne doit pas être cherchée ailleurs que dans son morcellement, dans le grand nombre des souverainetés par la grâce de Napoléon, dans le manque d’un pouvoir central unique ; 2o le dualisme de la Prusse et de l’Autriche ne peut se maintenir qu’au détriment de la Prusse, de l’Allemagne et de l’Autriche elle-même : c’est une situation contre nature, un état de choses qui n’est point viable ; 3o l’Autriche n’a jamais gouverné l’Allemagne, elle n’a fait que l’exploiter au profit d’une politique non allemande ; et il n’en sera jamais autrement, il ne pourra jamais en être autrement, parce que l’Autriche a son centre de gravité trop en dehors de l’Allemagne. Jamais, sous la suprématie de l’Autriche, la vie particulière de l’Allemagne ne pourra parvenir à constituer son droit ; 4o c’est la Prusse qui est appelée par la nature des choses à exercer le pouvoir central du monde germanique ; 5o les petits états devront se résigner à des limitations sérieuses dans l’intérêt de l’unité nationale.

Stockmar était donc de ceux qui en 1815, avec tous les politiques ardens et tout le parti militaire de la Prusse, avec Blücher et Stein, avec Scharnhorst et Guillaume de Humboldt, n’avaient pu pardonner au congrès de Vienne cette œuvre équivoque de la confédération germanique. À coup sûr, l’établissement de la confédération