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Pierre des Vignes ; on la trouve dans plusieurs versions du livre de Sendabar, et précisément dans le Mischlé sendabar, dans le Syntipas grec et dans les Sept vizirs Turcs, sous ce titre : la Trace du lion. C’est peut-être de là qu’elle est venue directement à Pomigliano, en Sicile, à Venise, dans l’Italie entière. Toutefois le dialogue rimé de Pierre des Vignes se retrouve plus ou moins altéré dans les versions populaires du récit. Voici comment on le narre à Venise : Un roi a défendu à son majordome de se marier ; le majordome tombe amoureux d’une très belle femme et l’épouse en secret. Le roi l’apprend, et veut voir cette fort belle femme. A cet effet, il charge le mari d’un message, entre au gynécée, et, sans réveiller la belle endormie, la recouvre discrètement et laisse un gant sur le lit. Le majordome, en rentrant, trouve le gant du roi, et depuis ce moment boude sa femme. Le roi offre alors un banquet à tous ses gentilshommes et commande à ceux qui sont mariés de ne pas venir seuls. Le majordome a beau se défendre, il est forcé de s’exécuter. Au banquet, tous les conviés avaient un mot à dire, Vigna seule (la femme du majordome) se taisait. — Que ne parlez-vous ? lui demanda le maître. — Elle répondit :

Vigne étais et vigne suis.
Aimée étais et plus ne suis,
Et ne sais par quelle raison
La vigne a perdu sa saison.


A quoi le majordome riposta :

Vigne étais, vigne seras.
Aimée étais, plus ne seras.
Par la griffe du lion
La vigne a perdu sa saison.


Le roi comprit et répliqua aussitôt :

Dans la vigne suis entré,
A ses pampres j’ai touché ;
Mais, par le sceptre que j’ai,
De ses fruits n’ai pas mangé.


Là-dessus réconciliation générale.

Nous disions que le peuple n’est pas réaliste ; il serait plutôt moraliste : plusieurs de ses contes ont la prétention d’enseigner la vertu. Tel est celui que M. Imbriani a mis en tête de son livre.

« Il y avait un petit garçon nommé Joseph et surnommé la Vvérité, parce qu’il ne disait jamais de mensonge. Vint à passer le roi, qui, émerveillé du phénomène, voulut prendre l’enfant à son service et lui fit garder les vaches de la cour. Tous les matins, l’enfant se