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la souscription volontaire, dans un noble dessein d’utilité commune, est peu praticable. On avait eu la pensée de libérer le territoire français, après la guerre de 1870, par voie de souscription ; on a dû y renoncer, parce que cette souscription produisait peu et que chacun était loin de faire son devoir, suivant l’expression de Stuart Mill. Or, si ce sacrifice égal n’a pu se rencontrer une fois volontairement et pour le plus noble des buts, comment ni ferait-on la base de la perception de l’impôt, c’est-à-dire d’un sacrifice durable et renouvelable tous les ans ? Poser ainsi la question, c’est la résoudre. La théorie de Stuart Mill, examinée à fond et dans ses conséquences rigoureuses, est tout simplement celle de l’impôt progressif ; elle dit la même chose, sous une autre forme, que ceux qui prétendent que l’impôt doit être proportionnel, non à la fortune, mais à la faculté qu’on a de payer. On se demande alors qui sera juge de cette proportion, et comment on arrivera à la déterminer. L’homme qui, avec 1,000 francs de revenu, paiera au taux de 3 pour 100 30 francs d’impôt subira toujours un sacrifice plus grand que celui qui, avec 100,000 francs de rente, paierait au taux de 25 pour 100 20,000 francs, à celui de 50 pour 100, 50,000 francs, et dont on prendrait même les trois quarts du revenu ; il lui en resterait toujours plus qu’à l’autre pour vivre. Faire payer en proportion des facultés d’après la règle du sacrifice égal est une chimère ; on ne rencontre cela que dans les communautés religieuses, lorsqu’on est à peu près détaché des choses de ce monde et qu’on poursuit un autre idéal que celui du progrès de la richesse publique. Mais dans les sociétés économiques, qui ont pour but au contraire de favoriser ce progrès, de rendre le travail le plus fécond et le plus utile possible, un pareil système serait le renversement de toutes les lois qui président à ces sociétés. Nous n’avons pas besoin d’insister davantage.

D’après la déclaration de l’assemblée constituante, l’impôt étant la dette commune de tous les citoyens considérés en bloc pour les services que rend l’état et sans distinction de la part qui revient à chacun, il ne peut être acquitté qu’avec ce qui sert à solder tous les services, de quelque nature qu’ils soient, c’est-à-dire avec l’actif disponible, avec la richesse acquise ; seulement il y a une différence essentielle à établir entre les services de l’état et ceux que les particuliers se rendent entre eux. Si vous entrez dans un magasin pour acheter une étoffe, le marchand qui vous la vend la fait payer à tout le monde le même prix, celui qu’elle vaut réellement, quelle que soit la situation sociale de l’acheteur ; s’il la donnait à quelqu’un au-dessous du cours, il ferait une largesse à laquelle il ne peut être tenu et qui serait contraire à toutes les lois