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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/634

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et sur une question si pressante, le chef du foreign office laisse dans l’incertitude le représentant de l’Angleterre. Condamné à un rôle ridicule, lord Normanby perd patience, il s’adresse à lord John Russell et lui envoie copie de la lettre qu’il a écrite le 6 décembre à lord Palmerston. Ce document est trop grave pour ne pas être communiqué à la reine ; il est expédié à Osborne, où se trouvait alors la famille royale. C’est ainsi que la reine apprit brusquement la nouvelle incartade de Palmerston. À peine pouvait-elle en croire ses yeux ; la pièce lue, elle la renvoya immédiatement à lord John Russell avec la note que voici :


Osborne, 13 décembre 1851.

« La reine envoie à lord John Russell la dépêche ci-incluse de lord Normanby, d’où il résulte que le gouvernement français prétend avoir reçu du gouvernement britannique une entière approbation du récent coup d’état, transmise par lord Palmerston au comte Walewski. La reine ne peut croire à la fidélité de cette assertion, puisqu’une telle approbation donnée par lord Palmerston aurait été en complète contradiction avec la ligne de stricte neutralité que la reine a exprimé le désir de voir suivre au sujet des dernières convulsions de Paris, ligne de conduite approuvée par le cabinet et établie par la lettre de lord John Russell en date du 6 courant. Lord John sait-il quelque chose de l’approbation dont il s’agit, laquelle, si le fait est vrai, mettrait de nouveau en péril aux yeux du monde l’honneur et la dignité du gouvernement de la reine ? »


Lord John fut obligé de faire savoir à la reine qu’il avait déjà demandé des explications à son collègue et n’avait reçu de lui aucune réponse. Il allait écrire encore, il allait demander une réponse immédiate pour la reine, au nom de la reine. Ne pas répondre au chef du ministère sur un point si important, c’était en prendre fort à l’aise ; interrogé au nom de la reine en personne, l’intraitable ministre oserait-il s’obstiner dans son silence ?

Lord Palmerston écrivait bien à lord John ; mais jaloux, comme toujours, de ce qui regardait le foreign office, ou bien affectant de considérer cette conversation comme un détail insignifiant, il ne disait rien de l’affaire Walewski. La première fois qu’il eut l’air de répondre, il s’arrangea de manière à rester constamment à côté de la question. Supposez que lord John Russell l’eût interrogé sur la façon dont il appréciait les affaires de France, la lutte du président et de l’assemblée, les coups montés de part et d’autre, et finalement l’arrestation de ceux qu’il appelle les burgraves, il n’eût pas écrit sur cette ténébreuse histoire une dissertation plus complète. Il répétait les étranges nouvelles dont il avait déjà entretenu lord Normanby :