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Champagne à la couronne. Dans les dernières années du XIIIe siècle, le nombre des prévôtés s’élevait à 263, et presque tout ce qui restait de fiefs importans relevait directement du roi.

Ce qu’il y a de plus remarquable dans tous ces progrès, c’est qu’ils avaient été opérés, par les seuls moyens qu’offrait le système féodal. La royauté avait grandi jusqu’alors sans essayer aucune révolution monarchique. Elle avait grandi à la façon d’un particulier qui accroît sa fortune, non à la façon d’un chef d’état qui change le mode de gouvernement. Ajoutons que beaucoup de seigneurs avaient agi ou voulu agir comme elle, que beaucoup de maisons féodales avaient grandi par des moyens exactement semblables, et que la royauté capétienne fut seulement plus habile ou plus heureuse que les autres maisons.

Durant cette période, rien ne fut changé, du moins d’une manière ostensible, ni au régime politique, ni au régime financier de la France. Il arriva seulement que les revenus augmentèrent dans la même proportion que le domaine. Il est fort difficile d’établir sur ce point des chiffres exacts. L’auteur de l’Usage des fiefs, Brussel, qui possédait une série de pièces de comptabilité aujourd’hui perdues, évaluait les revenus de Philippe-Auguste, avant ses grandes conquêtes de 1202, à 32,000 livres parisis ; il croyait que cette somme avait probablement doublé à la fin du règne. De nos jours, M. N. de Wailly, à l’aide de nombreux fragmens de comptes, est parvenu à dresser approximativement le budget de saint Louis, qu’il évalue, pour la seconde partie du règne, à une moyenne annuelle de 206,000 livres en recettes. Il établit en même temps que ces chiffres étaient suffisans pour les besoins d’une royauté qui n’avait ni armée permanente, ni administration nombreuse, ni clergé à rétribuer, ni dette publique à acquitter. Quelle que soit d’ailleurs l’importance des chiffres en un tel sujet, ce qui est surtout digne d’attention, c’est le caractère général des progrès accomplis. Les recettes étaient huit fois plus élevées qu’au siècle précédent ; pourtant aucun impôt nouveau n’avait été établi. Les revenus n’avaient pas changé de nature, ils étaient restés exclusivement domaniaux. La royauté n’avait pas encore revendiqué le droit de reconstituer à son profit l’ancien système des contributions publiques. On ne voit pas que le souvenir des impôts romains ait été rappelé aux esprits durant toute cette époque, quoique le souvenir de, la monarchie romaine eût été déjà ravivé. La réforme financière devait être plus lente à se produire que la réforme politique. Jusqu’à la fin du XIIe siècle, les impôts conservèrent donc leur caractère féodal. Si le roi s’arrogea quelque prérogative, s’il s’efforça, par exemple, de se réserver les droits d’amortissement et de franc-fief, c’était encore comme seigneur féodal qu’il faisait cette revendication. En matière d’impôts, il se