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immobilière en France : il y a donc encore des progrès à accomplir en ce sens, depuis surtout que ; par l’établissement des chemins de fer, l’existence de la grande propriété, plus favorable à la production des céréales, n’a plus la même importance au point de vue de l’alimentation publique, dont les pays, moins civilisés et moins riches peuvent faire tous les frais avec leurs immenses espaces réservés à la culture du blé : la petite propriété, si favorable aux cultures industrielles, à la production du vin, de la viande, des productions les plus chères, trouve donc encore à s’étendre. Il n’en est pas moins vrai que depuis quelques années les valeurs mobilières ont conquis la faveur du public et que les placemens de ce genre se sont singulièrement multipliés, peut-être au détriment de la propriété foncière. Dans nos différentes études sur les mœurs financières de la France, nous avons, après bien d’autres, suffisamment exposé ce fait, et la multiplicité de nos établissemens de crédit, par exemple, encore si loin de jouer chez nous le même rôle qu’en Angleterre, tend à faire pénétrer de plus en plus, jusque dans les provinces les plus réfractaires à cet emploi de l’épargne, les opérations d’achat et de vente de titres mobiliers. C’est une conséquence inévitable de notre état moderne ; elle a ses bons et ses mauvais côtés comme toute chose en ce monde du fini et de l’imparfait. La propriété mobilière se prête à certains progrès matériels, mais elle diminue les sentimens qui font la force des sociétés bien assises, elle est, qu’on nous passe ce mot, plus révolutionnaire que sa sœur aînée, la richesse immobilière. La sagesse consisterait à ne pas accroître, par des instabilités dans nos institutions politiques le mal de ces instabilités sociales que la mobilité dans les propriétés, les revenus et les conditions d’existence rendent chaque joui plus rapides, et de garantir la toute-puissance du nombre de ses propres entraînemens et de ses excès.


BAILLEUX DE MARISY.