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apparat faire reconnaître Latappy, leur collègue à la marine. Le nouveau délégué s’empressa d’interroger M. Gablin sur le personnel du ministère et sur les ressources que celui-ci pouvait renfermer ; à la suite d’une conversation, au cours de laquelle Latappy fit preuve de bon vouloir, il fut décidé que les employés, en nombre restreint, laissés par M. l’amiral Pothuau pour veiller à la conservation des archives et de l’hôtel, recevraient ordre de cesser leur service ; M. Gablin, chef du matériel, le concierge Le Sage, l’adjudant Langlet, quelques garçons de bureau, quelques manouvriers indispensables, avaient seuls le droit de conserver et d’exercer leurs fonctions. La commune venait donc de s’emparer de tout le ministère ; elle y respectait l’ambulance et y tolérait trois ou quatre employés de l’administration régulière ; c’était encore trop pour l’accomplissement de ses projets de la dernière heure, car c’est l’énergique habileté de ce petit groupe d’hommes dévoués, c’est le sentiment du devoir dont il était animé, qui a sauvé le monument élevé par Gabriel d’une destruction longuement préparée.

Latappy avait alors trente-neuf ans, car il est né à Nice le 1er novembre 1833 ; il avait fait partie de la garde nationale pendant la période d’investissement de Paris par les armées allemandes et s’était fait nommer commandant du 76e bataillon (XXe arrondissement) dans lequel il avait connu Boiron, qui y remplissait les fonctions d’officier payeur. Ce n’était point un méchant homme, tant s’en faut, et, quoiqu’on ait cherché à l’impliquer dans une affaire de détournemens de fonds publics, il était honnête et d’une probité sérieuse. Ses convictions, non pas politiques, mais révolutionnaires, étaient profondes ; son esprit naturellement borné, fort peu cultivé, assez autoritaire, ne lui laissait aucun doute sur le triomphe définitif de l’insurrection à laquelle il s’était associé. Ancien capitaine au long cours, il avait appris malgré lui, pendant ses fréquentes navigations, à respecter la marine militaire, qu’il avait vue à l’œuvre dans sa mission de dévoûment et de protection partout où nos nationaux peuvent avoir besoin d’elle. Il apportait donc au ministère une sorte d’esprit hiérarchique dont il ne put secouer le joug imposé par l’usage et qui, joint à un besoin de régularité contracté sous l’influence de la vie du bord, lui permit, non pas d’empêcher, mais d’atténuer les désordres dont ses employés inférieurs ne demandaient qu’à se rendre coupables. Malgré sa foi ardente dans le succès de la commune, on put comprendre dès le premier jour qu’il voulait s’assurer une retraite possible et qu’il ne défendrait pas trop énergiquement le ministère contre un retour des troupes françaises. En effet, il examina attentivement les appartenons particuliers du ministre qui sont situés dans la partie de l’hôtel prenant façade sur la rue Saint-Florentin ; il s’aperçut promptement