avancée crie son nom aussi haut que si elle était, en toutes lettres, signée de sa main.
Le Musée national, on le voit, est riche en ouvrages authentiques de Michel-Ange ; cependant, à s’y renfermer, on risquerait de ne pas apprécier toute la puissance et l’originalité de ce terrible génie, de ne pas en mesurer toute la grandeur. Pour bien connaître Michel-Ange, il faut, à Florence même, s’être assis pendant de longues heures dans la nouvelle sacristie de Saint-Laurent, entre les tombes des Médicis et le beau groupe de la Vierge à l’enfant ; il faut avoir étudié, à Rome, la voûte de la chapelle Sixtine ; il faut avoir contemplé face à face au fond de l’église déserte de Saint-Pierre-aux-Liens le Moïse, étrange et colossal, débris surhumain d’une œuvre impossible. Pour ma part, jamais je n’éprouvai pareille impression. Ce n’est pas cette joie vive et pure que l’on ressent lorsqu’on se trouve pour la première fois devant les restes divins du Parthénon ; c’est du trouble, de l’étonnement, presque de l’effroi. Involontairement, on s’arrête à quelques pas, on n’ose approcher ; on ne croit pas voir une œuvre d’art, une image de pierre, mais une évocation, une apparition. N’en doutez pas, c’est Moïse lui-même, c’est le sublime vieillard qui tout à l’heure, sur le sommet du Sinaï, était entouré de tonnerres et d’éclairs, qui parlait bouche à bouche avec Dieu, « comme un homme parle avec son intime ami[1]. »
Le Musée national donne donc une idée moins complète de Michel-Ange que de ses prédécesseurs florentins ; mais, tel qu’il est, il demeure encore singulièrement intéressant pour l’historien de l’art et pour l’artiste. Nulle part le génie propre de la sculpture florentine ne s’explique mieux, par un plus grand nombre d’exemples à la fois variés et concordans ; nulle part on n’en goûte mieux l’exquise et fine saveur. Quel progrès sur le siècle dernier, sur le temps où Florence n’avait pas d’autre musée que les Offices, et où De Brosses, ne trouvait aux Offices que deux statues modernes, le Bacchus de Michel-Ange et celui de Sansovino[2] ! Combien de peine il aurait fallu alors se donner pour voir, les uns après les autres, tous les ouvrages que réunit aujourd’hui le palais du podestat, comme il aurait fallu courir Florence et les environs, visiter les églises et les couvens, fouiller les sacristies et les magasins des fabriques, pénétrer dans tous les palais et toutes les villas du prince et des nobles, de Pistole à Fiesole et au Pratolino, d’Empoli