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l’exposition à Paris, de la mission du comte Schouvalof à Saint-Pétersbourg, de la paix ou de la guerre dans toutes les capitales, un fanatique sorti on ne sait d’où a attenté à la vie de l’empereur Guillaume en pleine promenade de Berlin. Certes, s’il y a un souverain qui dût sembler à l’abri de ces tentatives meurtrières, qui pût se croire en sûreté dans son pays, c’est celui qui depuis quinze ans a comblé l’Allemagne de gloire, qui n’a jamais passé pour un tyran et qui est aujourd’hui un vieillard. L’empereur Guillaume à son tour, malgré ses quatre-vingts ans, n’a point échappé à cette manie de meurtre qui attire certaines âmes perverses; en rentrant au palais avec sa fille la grande-duchesse de Bade, il a essuyé le feu d’un obscur assassin, qui heureusement n’a fait aucune victime. L’auteur de cet attentat a été reconnu depuis pour un fanatique subalterne, pour un vulgaire halluciné de socialisme, poussé au crime par les surexcitations de la démagogie, peut-être aussi par la misère envieuse ou par la passion de se faire un sinistre renom. Rien n’indique jusqu’ici qu’il ait eu des complices, il paraît avoir agi de son propre mouvement. Ce n’est pas moins l’éternelle fatalité des tentatives de ce genre, même quand elles échouent, même quand elles sont isolées, d’avoir d’inévitables conséquences, de provoquer immédiatement des réactions ou des velléités de réaction,. C’est l’histoire de tous les temps et de tous les pays; c’est ce qui vient d’arriver encore une fois à Berlin où, au lendemain de l’attentat, le gouvernement s’est hâté de proposer des mesures répressives ou préventives, une sorte de loi d’exception ou de circonstance contre les réunions et les propagandes socialistes. L’empereur Guillaume, dès sa première entrevue avec ses ministres, leur aurait dit, assure-t-on, qu’il fallait s’occuper de préserver les sentimens religieux du peuple, de combattre les contagions malfaisantes. Le projet qui a été présenté aussitôt au Reichstag allemand est à peu près la traduction de cette pensée conservatrice.

C’est toujours le premier mouvement, l’esprit de répression se redresse devant le péril. Sans doute depuis quelques années le socialisme a fait de singuliers progrès en Allemagne; il s’est développé assez pour avoir ses organes dans la presse, ses représentans dans les chambres, pour se faire craindre, et il est bien certain que les menées démagogiques de plus en plus actives peuvent n’être point étrangères à l’exaltation de quelques forcenés qui se laissent entraîner au crime. Le dernier attentat est l’œuvre d’un affilié de cette démagogie, et il a paru une occasion décisive pour se mettre en défense. Jusqu’à quel point cependant le gouvernement avait-il besoin de pouvoirs nouveaux, de cette sorte de dictature administrative qu’il s’est empressé de réclamer par son projet de loi? C’est là précisément ce qui vient d’être l’objet