Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il rencontrait même de la part de ceux qui semblaient toujours prêts à lui offrir leur alliance. De plus, il n’est point impossible que le chancelier ait été quelque peu impressionné par ces récens attentats, par toutes ces agitations d’une démocratie importuné, qu’il ait éprouvé quelque trouble au sujet de ces conflits religieux où il s’est engagé depuis quelques années, et qu’il ait senti la nécessité d’un moment d’arrêt ou de réaction. On a même parlé de négociations plus ou moins secrètes qui auraient, été nouées avec le Vatican depuis l’élection du nouveau pape. Il est clair dans tous les cas que la campagne religieuse s’est singulièrement adoucie depuis quelque temps., M. de Bismarck est homme à se servir de tout le monde, même des révolutionnaires s’il pense en avoir besoin ; il s’en sert, il se réserve de n’être pas leur obligé, et il ne craindrait pas de leur fausser compagnie pour retourner à la réaction, s’il le croyait nécessaire, sans s’arrêter même parmi les libéraux qui voudraient le retenir.

C’est en réalité tout cela qui s’agite dans cette mêlée électorale qui commence en Allemagne. C’est sur tous ces points que les partis prennent position par leurs professions de foi et leurs programmes. Toutes les nuances d’opinions se produisent. Déjà il y a les manifestes des nationaux-libéraux, dex progressistes, du parti du centre catholique, du parti de l’empire, des vieux conservateurs, sans parler des socialistes qui sont l’ennemi commun et qui ne restent pas inactifs. La lutte menace certainement d’être vive, et à voir certaines polémiques on dirait les hostilités déjà ouvertes entre le gouvernement et les nationaux-libéraux, qui ont longtemps soutenu le chancelier, qui semblent maintenant se replier vers les progressistes pour former avec eux un corps de bataille ou d’opposition. Le gouvernement, bien entendu, est prêt à se défendre ; il paraît assez disposé à réaliser le mot du comte Eulenbourg, ministre de l’intérieur, qui disait récemment qu’on resterait dans la loi, mais qu’on irait jusqu’au bout de la loi. Or la loi offre de singulières ressources en Prusse. Que sortira-t-il de ces élections ? Si le scrutin donne au gouvernement la majorité qu’il désire, qui l’aidera à triompher, un certain mouvement de réaction n’est point à coup sûr invraisemblable. Si l’opposition l’emporte, il faudra peut-être s’attendre à de l’imprévu.

Que le monde politique s’occupe de l’Orient ou de l’Occident, de l’exposition universelle ou du congrès de Berlin, des fêtes qui se succèdent ou des élections qui se préparent, la mort à travers tout ne poursuit pas moins son œuvre ; elle n’a pas besoin du secours d’obscurs meurtriers pour frapper ses coups, pour aller chercher de royales victimes au sein du bonheur comme dans la disgrâce. L’autre jour, à Paris même, au milieu des joyeux tumultes du moment, s’est éteint un prince découronné par la guerre, le roi George de Hanovre. C’était un vaincu de 1866 qui, malgré sa parenté avec la maison régnante d’Angleterre,