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irréprochable. On ne peut guère citer en ce genre à l’exposition que les mobiliers de sapin verni pour maisons de campagne et villas de bains de mer. Dans les meubles de luxe même, on pourrait reprocher aux fabricans : de donner tous leurs soins à une série de cabinets, chiffonniers, consoles, guéridons et autres petits objets plus encombrans qu’utiles, au détriment de meubles d’une utilité absolue. De plus, s’agit-il des meubles utiles, il semble qu’on fasse le meuble pour le meuble et non pas pour ce à quoi il doit servir. Ce ne sont que vitrines trop petites pour y exposer la moindre collection, budgets où il serait difficile de ranger un service un peu complet, et bibliothèques où ne tiendraient pas cinquante volumes.

Qui donc a dit que le cadre est le proxénète du tableau ? Les tentures jouent le même rôle relativement aux meubles. Placez un lit renaissance dans une chambre tapissée de perse à fleurs Pompadour et garnie de meubles et de rideaux de reps gros vert, et ce lit perdra tout son caractère et tout son effet. Parmi les tentures, les tapisseries sont la décoration la plus belle et la plus riche quand elles viennent des Gobelins ou de Beauvais. L’exposition de ces deux grandes manufactures est vraiment superbe. Les Gobelins exposent plusieurs panneaux de tapisserie d’après les maîtres, une Visitation de Ghirlandajo et le Saint Jérôme du Corrège, copie surprenante qui, sauf un peu de lourdeur dans le rideau brun et une grimage sur la bouche du divin bambino, a le charme et l’éclat de l’original. Regardons aussi les gracieuses figures exécutées pour le buffet du nouvel Opéra, d’après les dessins de M. Mazerolle. Le peintre a conçu avec beaucoup d’art et de fantaisie ces allégories du sucre, du café, du chocolat et même des glaces et de la pâtisserie. Ce sont de charmantes figures de femmes demi-nues, variées d’expression et d’attitudes, s’enlevant comme encadrées par les plantes qu’elles personnifient, sur une teinte plate bleu-vert d’une douceur infinie. Ces figures sur teinte plate sont plus décoratives et par conséquent conviennent mieux à la tapisserie que ces laborieuses copies de tableaux qui, si parfaites qu’elles soient, sont toujours imparfaites. Une Sainte Agnès en robe bleue sur teinte plate rouge est ainsi une œuvre hors ligne, ayant un vrai côté d’art, tout en restant dans le caractère décoratif dont ne devraient pas sortir les arts industriels. Voici encore un vaste tapis destiné au palais de Fontainebleau. De grands ramages de rinceaux s’enchevêtrent, sur le fond, dont les rouges et les jaunes, les bleus et les roses, les verts et les blancs, très hardiment distribués, sont peut-être d’un ton un peu cru ; mais, quand quelques années les auront atténués. et fondus, ce tapis sera un magnifique morceau. Beauvais, qui, par la finesse du point et l’harmonie, des couleurs, peut presque rivaliser