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municipalités. Le droit de veto suspensif dont il est armé vis-à-vis des assemblées provinciales, le gouverneur en est également investi vis-à-vis des conseils municipaux. Il n’a pas, ainsi que notre préfet français, le droit de casser de sa propre autorité les décisions des conseils municipaux ou les arrêtés des maires, il a seulement le droit de les attaquer comme entachés d’illégalité ou nuisibles au bien de l’état. Quand le gouverneur s’oppose aux résolutions des états provinciaux, l’affaire est portée au premier département du sénat, qui juge sans appel. Pour les affaires urbaines plus compliquées, plus minutieuses, souvent plus urgentes, le législateur a trouvé cette marche trop lente. Au lieu de déférer directement ces affaires au sénat, on a institué sur place dans chaque gouvernement un comité spécialement chargé de prononcer sur la légalité des décisions des conseils municipaux, comme sur les différends qui peuvent s’élever entre les doumas et les autres institutions ou administrations publiques. À ce tribunal administratif, on donne le nom de conseil provincial pour les affaires des villes[1]. Cette nouvelle création ajoute un comité de plus aux quatre ou cinq comités spéciaux dont le gouverneur est déjà entouré et aggrave ainsi la complication et la cherté de l’administration locale. L’utilité d’un pareil tribunal dépend avant tout de sa composition et de son impartialité. Or quels en sont aujourd’hui les membres ? C’est d’abord le gouverneur, auquel revient de droit la présidence, le gouverneur qui le plus souvent défère lui-même l’affaire au tribunal qu’il convoque, et est ainsi juge et partie. C’est ensuite le vice-gouverneur et un ou deux autres fonctionnaires presque également soumis à l’influence du gouverneur, et qui eux-mêmes, comme chefs de service, peuvent avoir des questions à débattre avec les municipalités. C’est enfin le président de l’assemblée des juges de paix, le président de la commission permanente des états provinciaux, et le maire du chef-lieu de la province, trois personnes dont l’indépendance est mieux assurée, mais dont les deux dernières sont par leurs fonctions mêmes exposées encore à entrer en conflit avec les doumas des villes et par suite à être elles aussi juges dans leur propre cause. Un tel tribunal semble offrir bien peu de garanties aux libertés municipales ; le législateur a trouvé qu’il n’en offrait pas assez à l’administration. Le gouverneur a reçu le droit d’en appeler au sénat des décisions d’un conseil sur lequel il possède lui-même tant de moyens d’influence, et comme les municipalités ont naturellement le même droit d’appel, ce tribunal, destiné à épargner aux villes les lenteurs d’un pourvoi auprès

  1. Goubernskoé po gorodskim dêlam prisoulstvié. Une bonne partie des reproches faits à ce conseil pourraient s’appliquer à notre conseil de préfecture.