Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/853

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rouges et vertes. Le cortège traverse jusqu’à Paris la foule qui se presse sur la route ; il arrive à la porte Saint-Denis ; là nous voyons apparaître plusieurs machines ingénieuses, quelquefois aussi un peu puériles. Voici un ciel et des nuages remplis de petits enfans représentant les anges. De tout cela plus n’est question aujourd’hui. Parmi ces anges Notre-Dame tient dans ses bras le petit enfant Jésus, qui s’amuse avec un moulinet fait d’une noix creuse. Un soleil d’or qui porte les armes de France et de Bavière brille dans le ciel, et les anges chantent d’une voix mélodieuse. Signalons une autre invention très goûtée du populaire, et qui ne manquera plus guère à ces réjouissances. Dans la rue Saint-Denis on avait établi une fontaine sous un reposoir d’azur aux fleurs de lis, dont les colonnes portaient les armoiries des plus nobles seigneurs de France. La fontaine était entourée de belles jeunes filles bien parées, avec de beaux chapeaux de drap d’or. Elles chantaient, et offraient, dans des coupes de vermeil, l’hypocras et les douces liqueurs qui ne seront pas toujours si gracieusement présentées, mais qui ne cesseront dans ces fêtes de couler avec abondance. Passons à un autre accessoire. Il s’agit de la représentation de scènes militaires, appelées sous d’autres formes à un grand avenir dans nos fêtes publiques. Sur un grand échafaud est représentée une forteresse. On voit le roi Saladin et ses Sarrasins, et de l’autre côté le roi Richard Cœur de Lion avec ses chevaliers portant leurs écussons, tels qu’ils les avaient eus à la croisade. Le roi de France est figuré là sur un trône, entouré des douze pairs de son royaume, chacun avec ses armoiries. Le roi Richard s’approche de lui respectueusement, lui demande la permission d’aller combattre le roi Saladin, et l’on voit alors la représentation d’une belle bataille. Voilà l’origine des combats et fusillades qui frappent aujourd’hui nos yeux et nos oreilles aux Champs-Elysées. Mais sur ce point on peut douter du progrès. A la seconde porte Saint-Denis, qui longtemps après devait être démolie par ordre de François Ier, on trouve encore un ciel plus riche que le premier, avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Toute cette partie des fêtes est à jamais reléguée dans le passé, et il n’y a plus de reine à qui ces belles jeunes filles puissent chanter :

Noble dame des fleurs de lys,
Soyez reine du paradis
De France, ce beau pays.


L’habitude de tendre ses fenêtres et tes rues est toujours en grand honneur. La rue Saint-Denis était couverte et tapissée de draps de camelot, d’étoffes de soie et de belles tapisseries représentant les personnages des diverses histoires. Sur ces toiles peintes, le Paris