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progrès de la monarchie centralisée. Les splendeurs de la royauté ne sont plus seulement un spectacle qu’on désire se donner. Elles sont le signe de sa puissance. Au flot des curieux accourus de toute la France se mêle celui des solliciteurs. Un écrivain du temps nous fait entendre qu’il y en avait plusieurs catégories. C’étaient premièrement ceux qui, ayant obtenu des places sous les régimes précédens, désiraient les conserver sous le nouveau ; puis ceux qui, ayant déjà une place, voulaient en avoir une meilleure ; venaient ceux enfin qui n’ayant pas de place brûlaient d’en obtenir une, et ils n’étaient pas les moins nombreux. Sous prétexte de venir voir la fête, ils affluaient à la source des faveurs. Il vint une masse de gens pour demander réparation d’injustices réelles ou prétendues commises sous le règne précédent, dont ils accusaient les conseillers du feu roi d’autant plus que ceux-ci étaient alors en pleine disgrâce. La multitude des demandeurs et des curieux était si grande que, selon le bruit public, il y avait à Paris cinq cent mille étrangers ! On ne savait où se loger. Lorsqu’on avait trouvé place dans une maison, il arrivait souvent qu’on en était délogé par les fourriers du roi ou des princes. Les villages voisins étaient remplis. De peur d’une trop grande cherté, on fit publier une taxe pour les vivres, les vins et la nourriture des chevaux. Sauf qu’aujourd’hui on n’établit plus de maximum, rien de nouveau ici encore.

A dire le vrai, ces siècles, au milieu de leurs plus grandes misères, déploient aux yeux des peuples un perpétuel appareil de fêtes. Réunissez aux portes d’une ville quelques brillantes cavalcades, comme celles qui éblouissent les regards aux entrées de princes et de ducs ; placez dans une cathédrale le haut clergé avec ses habillemens sacerdotaux ; ailleurs, dans un palais ou dans un prétoire, les dignitaires de l’ordre civil, n’est-ce pas là un spectacle, le spectacle même le plus imposant ? Que tous les ordres se présentent ensemble avec leurs insignes distinctifs, que le clergé et la magistrature se mêlent à l’appareil militaire, ne voyez-vous pas apparaître les plus superbes élémens de mise en scène qu’on ait jamais pu désirer ?

On verra plus tard se substituer dans de très vastes proportions les fêtes de cour aux fêtes publiques. Celles-ci seront loin sans doute de disparaître, mais ne seront plus placées que sur le second plan. Il y a tendance, je l’ai dit, de la royauté à s’isoler dans ses plaisirs, comme plus tard dans sa majesté, à s’entourer d’une cour plus brillante que jamais, d’une noblesse de moins en moins mêlée à la masse. Avec un Henri III les fêtes se renferment de plus en plus dans l’intérieur du palais, elles ressemblent trop souvent à une orgie de courtisans. « Il faisait, dit l’Estoile, joutes, ballets et tournois, et force