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vraiment merveilleuse pour un temps où les questions financières étaient encore si peu étudiées, Stuart Mill y hésite et se contredit. Au chapitre XXII du livre de ses Principles of political economy, il enseigne que ce qui importe c’est l’abondance des capitaux, non celle du numéraire. Dans l’édition populaire du même livre publiée plus tard, il reconnaît, page 352, que « l’addition de toute quantité nouvelle d’or ou d’argent qui arrive sur le marché des prêts a pour effet d’amener une diminution du taux de l’intérêt » et par suite de stimuler l’esprit d’entreprise.

Aux États-Unis, le problème a été examiné et discuté sous toutes ses faces, parce qu’il était un objet de dissidence entre deux grands partis, les inflationists d’un côté, les partisans du hard money de l’autre. Les partisans du hard money, de la monnaie métallique, veulent rétablir le plus tôt possible la circulation monétaire, au risque de diminuer la quantité des moyens d’échange, et par suite les prix. Les inflationists veulent maintenir et même augmenter la circulation des billets, afin de ne pas aggraver les charges des débiteurs et de ne pas enlever aux échanges l’intermédiaire abondant dont ils ont besoin. Ceux-ci paraissent avoir la majorité dans la chambre des représentans, car dans les derniers jours de la dernière session une résolution a été votée par 133 voix contre 120, à l’effet de retarder le moment de la reprise des paiemens en espèces fixée au 1er janvier de l’année prochaine. Cette résolution n’a pas encore été soumise au sénat, qui probablement la rejettera. Dans ces débats où chaque parti est principalement guidé par ce qu’il croit être son intérêt, beaucoup d’hérésies économiques sont débitées ; cependant certaines vérités indéniables ont été établies et résumées dans le chapitre du rapport de la Commission monétaire américaine de 1877, intitulé : Shrinking money fatal to labor, a quand la quantité de monnaie diminue, le travail en souffre. » Tâchons d’exposer ce point, qui domine toute la question monétaire.

Un riche capitaliste vient s’établir dans un canton écarté où le numéraire est rare et où tout est à bon marché. Il emploie une partie de ses fonds à faire des prêts ; par suite de la concurrence, il fait baisser le taux de l’intérêt. L’intérêt diminuant, des affaires qui auraient donné auparavant un bénéfice trop minime pour payer 5 ou 6 pour 100 deviennent avantageuses maintenant qu’il ne faut plus payer que 2 ou 3. Une activité nouvelle est ainsi imprimée à l’industrie. Le capitaliste lui-même améliore ses propriétés, empierre les chemins, bâtit des fermes ; toute la main-d’œuvre est rétribuée en numéraire. Les ouvriers dont le salaire augmente consomment davantage. Pour faire face à ces consommations plus fortes, il faut de nouvelles fabriques. Ainsi la prospérité est partout. Le