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fourni; en outre, sur l’une des tables on avait disposé deux torches en papier formées avec la proclamation par laquelle Delescluze apprenait, le 11 mai, aux citoyens de Paris qu’il venait d’être nommé délégué civil à la guerre. Du reste pas un flacon d’essence, pas un bidon de pétrole, pas une cartouche, mais dans un endroit voisin une tourie de vitriol. Tout cela ressemble terriblement à des préparatifs d’incendie : les incendiaires s’y sont-ils pris trop tard, et ont-ils été dérangés par l’arrivée des troupes, ont-ils quitté le Louvre et n’ont-ils pu y rentrer après que les grilles ont été enchaînées, ont-ils renoncé spontanément à leur projet? Nous ne savons que répondre, sinon que le Louvre n’a pas été brûlé; mais il aurait pu l’être, si le feu longeant les galeries du bord de l’eau et atteignant déjà le pavillon de La Trémoille n’avait été coupé, grâce à la reconnaissance hardie du capitaine Lacombe et à l’énergique initiative du commandant de Sigoyer.

Cet homme vaillant auquel nous devons sans doute le salut de nos musées n’était point destiné à survivre à sa grande action ; la mort qui frappe en aveugle ne sut pas l’épargner, et il tomba avant d’avoir vu l’anéantissement de l’exécrable révolte qu’il combattait. Le 24 mai, vers deux heures de l’après-midi, lorsque l’arrivée des pompiers et des soldats de ligne eut rendu à peu près inutile la coopération de ses hommes, il rassembla son bataillon et, par ordre supérieur, alla occuper la place du Châtelet, où il força, avec son entrain habituel, plusieurs barricades placées aux environs de l’Hôtel de Ville. A la lueur des incendies, il écrivit au crayon le billet suivant, qu’il ne put faire parvenir à sa femme et qui fut retrouvé sur son cadavre : « J’ai enlevé ce matin avec mon bataillon le quai du Pont-Royal et pris possession du Louvre. J’ai eu le bonheur de sauver les richesses artistiques de la France. » — Le 25 mai, après une nuit de repos bien gagnée, le 26e bataillon reprit sa marche en avant vers le grenier d’abondance. Tout à coup il reçut ordre, à six heures du soir, de changer d’itinéraire. À ce moment sans doute la division Vergé venait de quitter le corps du général Douay et de rentrer sous le commandement du général Vinoy. Après avoir escaladé, sous le feu des insurgés, quelques barricades dans la rue des Francs-Bourgeois, le 26e bataillon reçoit du général Daguerre l’ordre de s’emparer de la place Royale, occupée en force par les fédérés. La première et la seconde compagnie, sous le commandement du capitaine Lacombe, enlèvent, dans un très brillant combat, la place Royale et toutes les rues qui y débouchent. Un poste avancé est immédiatement établi dans une maison du boulevard Beaumarchais qui a vue sur la rue Amelot et le boulevard Richard-Lenoir. Le général Daguerre félicite les officiers et les chasseurs