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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/17

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personnel de la commission était changé en partie. Son projet fut remplacé par un autre travail qui ne modifiait pas les attributions du conseil et s’inspirait du projet de M. Courvoisier, en constituant une section du contentieux composée de dix conseillers d’état inamovibles[1].

Aussi bien le gouvernement avait déjà pris des mesures empruntées à ce même projet, qui faisaient passer immédiatement dans la pratique les réformes les plus urgentes. Deux ordonnances royales du 2 février 1831 avaient organisé la publicité des audiences dans lesquelles étaient jugées les affaires contentieuses. Désormais les avocats des parties avaient le droit de présenter des observations orales pour compléter et mettre en relief les argumens développés dans leurs mémoires. En outre un commissaire du gouvernement était appelé à donner ses conclusions dans chaque affaire, et nous pouvons dire qu’il y avait là aussi une garantie pour les parties; car si le commissaire du gouvernement est l’organe de l’intérêt social, il n’est pas le défenseur exclusif de l’administration et il compte au rang de ses devoirs les plus stricts (c’est une tradition constante) l’obligation de demander justice pour les citoyens dont la réclamation lui paraît fondée. On avait eu soin, en outre, de réserver exclusivement aux membres du conseil en séance ordinaire, à l’exclusion des chefs de service des ministères, le jugement des affaires contentieuses.

Cette réforme fut unanimement approuvée; mais une autre question plus délicate surgit lors de la discussion des projets de loi sur l’organisation du conseil d’état présentés successivement à la chambre des pairs et à la chambre des députés, de 1833 à 18’5. Le conseil d’état aurait-il un pouvoir propre de juridiction, ou continuerait-il à être, même en matière contentieuse, l’auxiliaire du chef de l’état, et ses décisions n’auraient-elles force exécutoire que si le roi se les appropriait sous le contre-seing du ministre de la justice?

La tradition s’était établie dans ce dernier sens sous le régime de la constitution de l’an viii. Elle s’était maintenue sous la restauration. Le gouvernement de juillet la consacrait expressément dans les divers projets de loi qu’il présenta, et ce système fut toujours

  1. Les procès-verbaux des travaux de la commission chargée de préparer l’ordonnance du 1er juin 1828 sur les conflits ont été publiés en 1829, par M. Taillandier, secrétaire de la commission ; mais ceux des commissions instituées par M. Portails, M. Courvoisier et M. le duc de Broglie sont restés inédits. Chargé de reconstituer les archives du conseil d’état anéanties par l’abominable incendie de 1871, nous avons fait de nombreuses démarches auprès des anciens membres du conseil ou de leurs familles. Parmi les libéralités précieuses à divers titres que nous avons été assez heureux pour obtenir figurent des copies de ces procès-verbaux si intéressans.